21-3

par Éric Dussert
1999, in La Revue des revues no 26

Avec son titre cabalistique, 21-3 pourrait attirer par mégarde les amateurs d’arcanes, de mystères mathématiques et de contraintes. En terme de mercatique, ce serait de bonne guerre car tarot et OuLiPo sont des produits confirmés. En revanche, ce serait une erreur de positionnement pour les trois animateurs de la revue, les frères Nicolas et Christophe Styczynski et Slimane Hamadache, qui ont choisi de ne se préoccuper que de graphisme et de poésie.
De ce point de vue, 21-3 est une publication agréable, pour ne pas dire reposante. Elle propose avec beaucoup de simplicité des créations littéraires et graphiques dans un espace favorable à la lecture. L’ensemble donne encore un impression de raideur (les à-plats noirs y sont sans doute pour beaucoup), mais les jeux typographiques sont de ceux que l’on ne finit jamais d’explorer. S’il est vrai qu’une mise en page très géométrique – sans doute une difficulté liée aux publications carrées (le format de celle-ci est 212 x 212 mm) – privilégie l’illustration, notamment le port-folio central de Pierre-Jérôme Coulmin et les clichés de Claude Gassian, on observe le souci de lier les poèmes à leur environnement, d’établir entre le mot et l’image une cohabitation harmonieuse.
« Nous choisissons l’avenir » lit-on en préambule de ce petit laboratoire des arts des temps prochains. 21-3 se prononce « XXIe siècle-3e millénaire ». Il faut voir là la volonté de faire charnière, d’aider le siècle à passer l’arme à gauche pour observer, enfin, comment l’avenir se prépare. Il y a volonté de prendre date et de signaler sans déclaration fracassante, sans prise de position péremptoire ni prétention démonstrative, qu’une revue proposait en 1999 les poètes Franck Venaille, Slimane Hamadache (par ailleurs homme de théâtre), Jacques Sommer et Sapho, le peintre Franck Escroignard, les dessinateurs Paul Cendron et Jörg Hermle – ainsi que dans ses numéros ultérieurs (sous réserve) Claude de Burine, Petr Kral, Yves Martin, Christian Bachelin –, tous ceux que Jacques Sommer, l’auteur trop ignoré d’une étonnante Prose d’Aubervilliers (Dumerchez, 1997), considère comme les « futurs classiques de la poésie française de la fin du XXe siècle ». Rendez-vous dans deux ans.


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