par Yves Chevrefils Desbiolles
1995, in La Revue des revues no 20
Malgré le sous-titre, l’interdisciplinarité n’est ni la trame ni le substrat ni même l’objectif d’Enquête qui se méfie de cette « vieille lune des bureaucraties scientifiques ». Ce qui n’empêche pas l’anthropologie, l’histoire et la sociologie d’être confrontées aux mêmes constructions discursives (archives, témoignages, collectes d’informations, toutes les formes de l’« enquête ») qui nourrissent les analyses de leurs chercheurs.
Or, constate la rédaction de la revue, la spécificité disciplinaire ainsi que les habitudes méthodologiques peuvent appauvrir l’interprétation des corpus constitués empiriquement sur « le terrain », phénomènes parfois amplifiés par des réflexes corporatistes qui restreignent la circulation de l’information.
Telle est la problématique sur laquelle la revue Enquête a construit son projet éditorial : proposer une réflexion tour à tour analytique, comparative et synthétique sur toutes les formes d’accumulation d’informations, leur traitement, leur exploitation, etc. Non seulement pour tirer le meilleur parti des richesses interprétatives que laisse entrevoir la communauté épistémologique de l’anthropologie, de l’histoire et de la sociologie, amis surtout parce qu’il y a urgence en la demeure : certains de ses habitants – laisse entendre la rédaction – auraient déjà renoncé à se mouvoir dans le brouillard subjectif qui entoure « le terrain », se laissant aller « au dégoût de l’archive ou de l’enquête, à la régression postmoderne, romanesque, à l’herméneutique philosophique, à la facilité du reportage ou de l’humeur ».
Or, aucun de ces renoncements ne peut faire oublier que l’avenir scientifique de l’anthropologie, de l’histoire et de la sociologie passe par une compréhension, un affermissement, une maîtrise de « ce qui fait preuve dans les sciences sociales ». Valant programme, le thème de ce premier numéro – « Les terrains de l’enquête » – se déploie en quatre parties : Essais (L’espace mental de l’enquête, Ressources narratives et connaissance historique, La politique du terrain), Confrontations (Quand voir c’est reconnaître, De la relation ethnographique, Le terrain de la vérité, L’ethnographie armée par les statistiques, Histoire des sciences et matérialité de textes), Inédit (La production de la théorie à partir des données, 1967), Chantier en cours (Lire en prison). Ne manquent à ce sommaire que des notes de lecture sur les travaux que cette crise épistémologique suscite certainement dans d’autres revues, dans d’autres pays.
Enquête présente par ailleurs les principales caractéristiques attachées au genre de la revue scientifique : comité de lecture international, résumés en français et en anglais, courte bibliographie des auteurs, échanges de publicité avec d’autres titres de la même catégorie. Une mise en page aux marges restreintes et des choix typographiques – entre autres effets – donnent au titre courant l’aspect rétro de la frappe dactylographiée.
Enquête n’omet pas de mentionner son adresse sur le réseau d’Internet
(http: //ehess.cnrs.-mrs. fr/shadyc/enquete 1).