par Annie Chevrefils Desbiolles
1994, in La Revue des revues no 18
Une revue attendue, espérée, une revue d’art contemporain au fait des formes artistiques les plus innovatrices, et capable de déceler les enjeux esthétiques d’une culture de l’image en mutation. En somme, une revue d’actualité – remplie de reproductions d’oeuvres contemporaines – qui a l’ambition d’élargir l’analyse de ces objets spécifiques à l’ensemble des langages, des formes, des attitudes créatrices. Le parti pris de saturation visuelle de la mise en page, l’abondance de l’iconographie, s’ils posent des problèmes de lisibilité (auxquels l’équipe devrait remédier dans le prochain numéro, dixit Marie-Ange Brayer), renvoient à la densité des signes de notre environnement et à l’obligation qui nous est faite d’opérer une lecture transversale des informations. Ainsi photographies, citations et notes en caractères gras encadrés d’un mince filet, perturbent volontairement l’ordonnancement des articles distribués sur deux ou trois colonnes. L’utilisation du texte comme image et de l’image comme texte – qui constitue en quelque sorte le postulat sur lequel se construit la mise en page – est affirmée dans la forme particulière du sommaire qui reproduit les doubles pages d’ouverture de chaque contribution et mentionne en légende, page, auteur et titre de l’article. Il y a là sans aucun doute la prise en compte d’un véritable projet esthétique.
Exposé est aussi un outil de recherche. La masse d’informations transmises, que ce soit sous forme iconographique ou bibliographique (ne manque peut-être que des éléments biographiques sur les artistes, les théoriciens et les auteurs), en fait une revue à consulter autant – si ce n’est plus – qu’à lire, car l’exigence théorique se mute trop souvent en « théorisme ». L’hermétisme de certains articles compromet l’ambition intellectuelle du projet éditorial tel que formulé par Marie-Ange Brayer : « Au discours critique, comme simple indexation de l’oeuvre et légitimation, sera substituée une autre économie du regard, bâtie sur le comparatisme, l’analyse de la récurrence historique, la transdisciplinarité ». La thématique de ce premier numéro, « Le propre des noms », se prête à ces abus « sémiotiques » ; elle fournit cependant des exemples d’une approche historique qui sait s’alimenter sans excès aux concepts fournis par les sciences du langage (on retiendra par exemple la contribution de Pascal Rousseau : « Inscrire son nom dans la modernité »).
Plus claire et plus légère dans son ton et son esprit novateur, Exposé pourra prétendre à « poser les termes d’un débat esthétique, étroitement lié aux problématiques actuelles de l’art ». Il lui suffirait pour cela d’oser prendre des risques avec des outils théoriques comme elle le fait avec ses outils graphiques.