par Gilles Candar
2006, in La Revue des revues no 38
FondationS
No 1, mars 2006
Directeur : Michel Maso
Adresse : Collectif des Éditeurs Indépendants 3, rue de Plaisance
F-75014 Paris
Éditeur : Fondation Gabriel Péri
22, rue de Brey, F-75017 Paris
E-mail : fondation@gabrielperi.fr
Prix : 15 €
Abonnement (4 numéros) : 45 €
Abonnement étudiants et chômeurs : 25 €
Une nouvelle revue dans la mouvance communiste, le fait n’est pas si banal et mérite d’être signalé. FondationS est donc une revue trimestrielle, de grand format, forte de quelque 184 pages bien tassées, publiée par la Fondation Gabriel Péri. À l’instar des Fondations Jean-Jaurès, Charles-de-Gaulle et Robert-Schuman, celle-ci, constituée en 2004 à l’initiative de l’ancien secrétaire général et toujours sénateur-maire de Montigny-les-Cormeilles Robert Hue, entend proposer un espace de formation, de recherche et d’approfondissement doctrinal dégagé des soucis de la contingence électorale et de la politique quotidienne. Apporter des « connaissances », plutôt que confronter des « analyses », semble souhaiter son président.
La revue est dirigée par Michel Maso, également directeur de la Fondation, récemment élu au conseil national de son parti. Il est entouré d’un comité de rédaction, appelé à s’élargir, qui comprend à la fois des intellectuels confirmés du monde communiste, tels le philosophe Arnaud Spire, dernier secrétaire général de La Nouvelle Critique et longtemps responsable de la page « Idées » dans L’Humanité, le sociologue Jean Lojkine ou l’historien Serge Wolikow, spécialiste de l’Internationale communiste et du Front Populaire, et de jeunes espoirs comme l’historien et archiviste Alexandre Courban qui vient de soutenir sa thèse sur L’Humanité. Bernard Frederick, lui aussi longtemps journaliste à L’Humanité, où il fut spécialiste des pays socialistes et des questions d’enseignement, est chargé de la rédaction en chef. Il signe le premier éditorial qui souhaite « ne pas fixer de ligne » mais « donner un point de vue » : il s’agirait ici de politiser la politique, en réinvestissant le champ de la recherche et de la théorie, avec en filigrane l’inquiétude de savoir ce qui resterait du marxisme face à un capitalisme se renouvelant et s’adaptant inlassablement. Un regret se devine : ce qui est qualifié comme « la régression culturelle et théorique » de la fin des années 1970 au début des années 1990 (bref, la deuxième partie de l’ère Marchais), et une hantise : que répondre aux tenants de la « troisième voie », des critiques de la gauche traditionnelle qui, déjà en Grande-Bretagne avec Anthony Giddens et Tony Blair… mais pas seulement là-bas, sont bien placés pour dominer même les rêves d’avenir habituellement pris en charge par la gauche politique.
Ce premier numéro se fonde pour une bonne part sur une approche historique et s’emploie à revisiter les fondements de la pensée socialiste. Le dossier principal est consacré à 1905 : non pas la première révolution russe, signe des temps ! mais celle de la création de la SFIO et des débats qui opposèrent Jaurès et Guesde notamment, des analyses sur l’État, avec le philosophe jaurésien Bruno Antonini, ou le rapport à la classe ouvrière et aux catégories populaires étudié par le politiste Rémi Lefebvre. La période de la bolchevisation du PCF, aux alentours de 1926, et plus particulièrement de Marcel Cachin, personnalité emblématique puisque seul responsable national du parti socialiste d’avant 1914 à s’être maintenu plusieurs décennies comme dirigeant du PCF, est également scruté de près. Un « retour aux sources » pour un « droit d’inventaire » en quelque sorte semble ainsi se dessiner. Des articles savants, très savants : le souhait de Robert Hue de disposer de « connaissances » est ici comblé. Wolikow, Depretto, Antonini, Sirot, Pudal, Lefebvre… (la liste n’est pas exhaustive) sont des chercheurs qui travaillent, aux premiers rangs de leurs disciplines et dans l’acmé de leur production intellectuelle… Leurs études sont complétées par la publication d’importants documents d’archives ou de textes classiques (la controverse Jaurès/Guesde de 1900) qui donnent les pièces du dossier, et c’est très bien ainsi. À l’évidence, il reste à apporter davantage de vie dans cet ensemble. Les connaissances appellent à être éclairées, discutées, mises en perspective et en confrontation : il faudrait à la fois donner plus d’air, maîtriser l’inflation universitaire de l’écriture, chercher un plaisir de lecture plus authentique, et ne pas se contenter d’additionner des apports intéressants, mais les faire dialoguer, bref, des chapeaux, des encadrés, des renvois et des rencontres, un travail de rédaction plus exigeant, qui prépare et organise la fructification des connaissances apportées. Plus de lumière, d’air, d’illustrations et d’échanges !