par Yannick Kéravec
2005, in La Revue des revues no 36
Il faut quelque temps aux élytres du scarabée sortant du cocon pour qu’ils acquièrent rigidité et noir profond : la couverture de Geste est encore un peu molle et les encres des nombreuses illustrations, reproductions et jeux graphiques mériteraient d’être plus soutenues.
Lettres et mots mêlés en couverture, sur fond noir, évoquent le pétillement du champagne, invitant à 132 pages copieuses. Le texte liminaire expose clairement le propos : évoquer pratiques, activités, créations à travers leurs conditions d’apparition, les moyens intellectuels et/ou matériels à mobiliser, le retour critique sur l’œuvre, l’ouvrage pour tenter de comprendre le moment de leur émergence où l’homme prend toute son importance.
Tous les gestes seront appréhendés, jusqu’aux « geste de philosophe et de scientifique, gestes des corps et de pensées ». Sera-t-il question de danse, de sport, de « geste architectural » ? Pas encore. Trop facile.
Pourtant les rabats de couverture sont illustrés d’un geste footballistique, un « coup d’envoi » à un ensemble foisonnant présenté de façon très structurée, classique pourrait-on dire mais efficace.
Geste s’ouvre sur un grand entretien avec Giuseppe Penone. Les questions insistent sur l’action, les gestes, citant parfois l’artiste (« économie de gestes », « Gestes végétaux » du titre d’une de ses séries). Le sculpteur a ses gestes propres : modeler, tailler, assembler, mouler… Il est question de rapprocher, inclure, imprimer, toucher, enfouir… Écrire aussi. G. Penone répond de ses pratiques et des gestations, du retour sur son œuvre (rétrospective au Centre Georges Pompidou en 2004) et de la publication récente d’un ensemble de textes : Respirer l’ombre.
Le dossier « Improviser » regroupe sept contributions commentant théâtre et jazz bien sûr, poésie aussi (confrontation à partir de leurs citations entre Breton et Valéry aux temps d’écriture opposés), musique encore avec Beethoven, Boulez et John Cage… Il est moins attendu d’y trouver le paysage, l’architecture (une expérience de création en huis clos, en 48 heures chrono) et… la télévision (24 heures chrono).
Peer Gynt inspire cinq textes, digressions sur le langage d’Ibsen, réflexion sur le poète, trois entretiens avec une de ses traductrices et à propos de sa récente représentation, avec Patrick Pineau, metteur en scène et Sylvie Orcier, scénographe.
La rubrique « Pagaille » juxtapose de courts textes d’humeur, souvenirs vagabonds, poème, critiques d’expositions, de livre, de films d’actualité ou non (Buster Keaton, le Dernier tango à Paris…), chronique gastronomique.
Enfin, « Gestuelles » conclut la revue par des entretiens, avec Claude Jamain, mime tout en retenues, un jeune photographe à découvrir, Vincent Citot, intarissable sur sa pratique et Bruno Doucet, chef de restaurant dont les propos mettent l’eau à la bouche.
Déguster, est-ce un geste ?