par Yves Chevrefils Desbiolles
1990-1991, in La Revue des revues no 10
Renvoyant dos à dos le modèle sartrien de l’intellectuel engagé et celui de l’individualiste « adepte des formes pures ou d’un savoir indifférent », la Règle du jeu entend demeurer une revue d’écrivains « qui, sans cesser d’être ce qu’ils sont, assumeront cette part d’eux-mêmes qui les règle sur le monde ». Cette idée exprimée dans l’éditorial du premier numéro est reprise par Guy Scarpetta dans le numéro suivant : « C’est en écrivain que je réagis : c’est-à-dire subjectivement, à la première personne, – et par un discours forcément ambigu, interrogatif, en suspend… »
L’éditorial du premier numéro de la Règle du jeu reste en effet fidèle au mythe français qui fait de l’intellectuel, et plus particulièrement du littérateur un personnage « plus lucide ». Forte de cette foi en la clairvoyance des clercs, la Règle du jeu souhaite contribuer â l’épanouissement d’une « Europe ouverte, démocratique, cosmopolite », contre cette « Europe nationaliste, identitaire, régressive, populiste » qui émerge ici et là sur les ruines des grandes idéologies. Cela à Paris, au nom des mânes d’habitants illustres de cette ville : Diderot, Grimm, Benjamin et Breton, au nom du Paris des années 30, refuge de nombreux antifascistes et de celui des années 80 qui accueillait des dissidents est-européens. Muni d’un prestigieux comité de rédaction international, la Règle du jeu proposera à chaque numéro un bloc-notes de Bernard-Henry Lévy, des chroniques, des articles réunis autour de quelques thèmes : « Pour Roland Barthes », « Autour d’un inédit de Kojève » et « Avec Tadeusz Kantor » pour le premier numéro ; « la Question islamique » et « Lire Werfel » pour le second.