par Alain Paire
2004, in La Revue des revues no 35
Une couverture blanc cassé et plus de 200 pages, La Revue littéraire s’est très vite offert une polémique tout à fait fondée avec les éditions Gallimard : humour ou bien simple hommage, il est vrai que l’articulation de chacun de ses sommaires ressemble à s’y méprendre au dispositif ainsi qu’à la typographie que préconisaient La Nouvelle Revue Française et les Cahiers du Chemin.
Dès le début de l’été, on pouvait compulser les cinq premiers numéros, datés d’avril à août 2004. Avec dans chaque livraison, une rubrique « mémorable », la pointilleuse restitution, sur une trentaine de pages, des fragments d’une « œuvre parlée », une transcription des Leçons de Pierre Guyotat sur la langue française, à l’université Paris VIII.
Au fil des numéros, dans un éclectique empilement de textes et de notes critiques, deux ou trois constantes se manifestent. On aperçoit en tête de revue des voix singulières comme celles de Frédéric-Yves Jeannet, Jean-Louis Giovannoni, Franck Venaille et Jean-Luc Parant. Les proches des éditions Léo Scheer, les éditeurs qu’il distribue ne sont pas oubliés : ce mensuel publie légitimement des auteurs « maison » comme Nathalie Rheims, Jacques Brou, Éric Vuillard, Emmanuel Loi, Éric Rondepierre, Sylvain Goudemare et Emmanuel Pierrat. De même on trouve des textes de Raymond Federmann et Jean-François Bory qui sont publiés par Al Dante, Marie-Odile Beauvais qui écrit sous l’enseigne de Melville, Jean-Paul Curnier qui vient de Lignes et qui est à l’origine de la publication de l’immense corpus de Malcolm de Chazal (une vingtaine de volumes annoncés pour les quatre ans qui viennent, plus de 5 500 pages).
À quoi s’ajoutent dans une trop faible proportion quelques traductions et puis, sans la surprise d’une découverte, des auteurs issus de Gallimard comme Dominique Noguez et Béatrice Commengué, de Minuit comme Éric Chevillard, de Fayard comme Christian Combaz ou bien de P.O.L comme Éric Meunié. Avec des bonheurs d’expression extrêmement variables, on retrouve dans les chroniques tous les âges de l’écriture puisque sont également présentes de plus anciennes figures comme Alain Jouffroy, Salah Stétié, Pierre Bourgeade et Gabriel Matzneff.
Sur France-Culture, lors d’une émission de Pascale Casanova, les critiques qui évoquaient cette parution parlaient d’une revue-attrape tout qui reflète principalement la mollesse d’un état du marché littéraire proche de « l’ancienne avant-garde ». De même Le Matricule des Anges prétend qu’une revue aussi peu défricheuse, c’est « comme au BHV ». Sans pouvoir corriger fortement cette appréciation, on se réjouira quand même que puisse se développer au fil des saisons un volumineux et fréquent lieu d’expression, où l’on rencontre des textes d’écrivains comme Colette Fellous, Silvia Baron Supervielle, Emmanuel Laugier, Alain Nadaud, Jean-Patrice Courtois et Pierre Jourde qui dans le numéro d’août, cadre impeccablement dans son champ de tir la démarche de Lignes de risque et les entreprises de Frédéric Badré.