par Jacqueline Pluet-Despatin
2000, in La Revue des revues no 29
L’histoire des institutions scientifiques françaises fut longtemps, à l’exception de quelques rares travaux, le parent pauvre de la recherche en France et, jusqu’à ces dernières années, elle suscitait davantage l’intérêt des chercheurs venus de l’étranger, où ces études étaient déjà bien inscrites dans le champ scientifique. Les temps ont changé et il est significatif que de grands établissements comme le CNRS se soucient de leur passé et de l’éclairage que celui-ci peut apporter pour leur action présente et à venir. En 1989, le CNRS prenait l’initiative de réunir un colloque pour célébrer le 50e anniversaire de sa fondation, le 19 octobre 1939, et entreprenait la publication d’une revue, les Cahiers pour l’histoire du CNRS, dont dix livraisons parurent de 1988 à 1991, avec des contributions de Christophe Charle, de Dominique Pestre, d’Antoine Prost, etc. Il ne semble pas que, dans cette démarche historique, les laboratoires se soient impliqués avec enthousiasme. L’idée s’imposa donc, afin de les sensibiliser à la nécessité de préserver la mémoire et le patrimoine de l’institution, de créer en 1999 un service permanent, composé d’historiens professionnels : le Comité pour l’histoire du CNRS, présidé par l’historien André Kaspi, professeur à la Sorbonne. Ce comité se voit attribuer une triple vocation : rassembler les sources, en liaison avec les Archives nationales (documents, témoignages, matériels, dans la perspective d’un futur musée) et constituer une base de données ; stimuler la recherche, en favorisant les travaux d’étudiants dans les universités et en organisant conférences et colloques ; préparer la rédaction d’une histoire du CNRS par différentes publications : collection de grands témoins, histoire de laboratoires et publication de La Revue pour l’histoire du CNRS, qui succède ainsi aux Cahiers.
Cette revue, destinée à retracer l’histoire de la recherche publique, à travers l’exemple du CNRS, et à susciter des travaux, s’adresse à un public de non spécialistes. Ce choix tient à s’affirmer par des articles écrits dans une langue claire, à la portée de tous – « saine gymnastique » pour ce qui est de la responsabilité civique des chercheurs, explique dans son éditorial le directeur de la rédaction André Kaspi – et par une maquette éditoriale vivante, aérée, truffée de publicités pour les publications du CNRS. Impression sur papier glacé, de format in-quarto, abondamment illustré de photographies puisées dans les archives du CNRS (reproductions de documents, images d’inaugurations et de visites, portraits). Une belle vitrine en somme du CNRS, moins vouée à l’histoire, peut-être, qu’à la culture d’entreprise et à la communication ?
La trame éditoriale de la revue est fixée, sauf modifications toujours possibles, à l’initiative du comité de lecture ou des lecteurs : dossier thématique, articles, témoignages et témoins, informations scientifiques, comptes rendus. Au centre de ce premier sommaire, le Dossier est consacré au « CNRS au temps de Charles de Gaulle », c’est-à-dire à une analyse de la politique scientifique de 1959 à 1969, qui fut un moment important dans le développement de la recherche. Avec un article de Girolamo Ramunni, professeur d’histoire des sciences à l’université de Lyon II (« Le CNRS, principal enjeu de la politique scientifique »), deux témoignages (Pierre Piganiol, premier délégué à la recherche scientifique et technique et Pierre Lelong, conseiller technique auprès du général de Gaulle) et la reproduction d’un discours du Général le 16 février 1959 à Toulouse, ce dossier qui ne prétend à aucune exhaustivité a pour fonction d’ouvrir la voie. Le sommaire se poursuit par une rubrique Documents, où Jean-François Picard, ingénieur de recherche au CNRS, rappelle les conditions dans lesquelles a été créé le CNRS, des années trente à la Libération, montrant que la période de Vichy (à peine esquissée) est un terrain de recherche prometteur. Parmi les Témoins, Hubert Curien, directeur général du CNRS de 1969 à 1973, venu inaugurer avec quelques uns de ses collaborateurs de l’époque, les conférences-débats du Comité pour l’histoire du CNRS. Une Mise en histoire de la recherche, par Henri Ostrowiecki, retrace l’histoire d’un futur super-accélérateur du Laboratoire européen de physique des particules (CERN). Enfin, quatre comptes rendus, dont l’un sur deux ouvrages en anglais traitant de la politique américaine de la science et de la technologie, et l’autre à propos d’un cédérom sur l’histoire de l’imprimerie, conçu par le Musée de l’imprimerie de Lyon.
Deux numéros, depuis, ont paru, avec les dossiers suivants : Les premiers laboratoires du CNRS (mai 2000) ; Regards sur l’étranger (novembre 2000, Société Max Planck, CNR italien). Le dossier du no 4 (mai 2001) portera sur l’environnement.