par Marc Bauland
1999, in La Revue des revues no 26
Revue semestrielle de débats et d’idées
publiée par le Parti socialiste
Fondée par Benoît Malon en 1885
Nouvelle série, no 1, printemps 1999
La Revue socialiste renaît de ses cendres après cinq années d’interruption au cours desquelles le Parti socialiste – sans doute plus préoccupé par les impératifs de rigueur budgétaire que de reconstruction doctrinale, à la suite de l’alternance en 1993 – s’était distingué comme le seul parti de gauche en Europe à ne pas posséder sa propre revue « de débats et d’idées », après la disparition de la Nouvelle Revue socialiste de Maurice Benassayag. Refondée par Henri Weber, avec un comité de rédaction étoffé, La Revue socialiste affiche l’ambition d’associer les réflexions des hommes d’action aux articles d’intellectuels inscrits dans la mouvance socialiste, tout en ouvrant très largement ses pages à « la nouvelle génération de jeunes chercheurs, très active sur tous les dossiers de la transformation sociale ».
La première livraison de La Revue socialiste, sous-titrée « Vers une nouvelle voie », est consacrée au socialisme européen, et vise, selon François Hollande dans son éditorial, « à faire émerger une pensée autour de laquelle la gauche européenne saura se retrouver et s’enrichir mutuellement ». L’accession au pouvoir des partis socialistes ou sociaux démocrates, seuls ou en coalition dans bon nombre d’états européens est l’occasion pour la revue de faire part des débats et des transformations idéologiques nés d’un double mouvement menant à concilier l’acceptation raisonnée du réalisme économique et social – et l’abandon de la phraséologie révolutionnaire -, avec l’idée d’une maîtrise volontariste de la politique économique dans un monde globalisé : « La réforme ne sonne pas le glas de l’utopie. […] Je veux être un constructeur d’utopies réalistes », déclare Lionel Jospin dans un entretien avec Alain Bergougnioux et Henri Weber.
Le premier numéro s’articule en quatre sections. Dans la première, intitulée « Perspectives », Alain Bergougnioux replace la crise de la social-démocratie dans son contexte historique (« La crise de la social-démocratie en question »), tandis qu’Henri Weber procède à un examen parallèle des programmes anglais et français en matière politique, économique et sociale (« Parti socialiste et New Labour : convergences et divergences »).
La section « Éclairages » propose des études particulières sur les pays de l’Union européenne dirigés par des gouvernements de gauche ou de centre gauche (Grande-Bretagne et France, Hollande, Italie, Portugal et Allemagne). On y lira notamment l’article de Laurent Bouvet, « Le blairisme est-il un socialisme ? », qui expose les fondements théoriques de la « Troisième voie » britannique, issus des thèses d’Anthony Giddens (The Third Way. The Renewal of social Democracy, 1998) et du groupe Demos, avec leur analyse particulière de l’inadaptation des grands modèles idéologiques aux données structurelles contemporaines, et leur traduction, l’opposition des propositions stratégiques française et britannique à la gauche européenne. La section « Expressions » permet d’enrichir le débat théorique contemporain sur la politique avec des textes d’universitaires européens mal connus ou peu traduits : elle est inaugurée par Raymond Plant (« Troisième voie et néolibéralisme »), et Mario Telo (« Europe et globalisation : Les nouvelles frontières de la social-démocratie européenne »). Enfin, « parce que la réflexion politique ne prend de sens qu’à condition d’être suivie par l’action », la revue présente une série de « Documents », composée de pièces d’archives, extraits de discours ou d’interventions publiques de dirigeants politiques (ici : Laurent Fabius, « La gauche du XXIe siècle », et Dominique Strauss-Kahn, « La nouvelle politique inudstrielle »), ainsi que d’études historiques.
Il était tout naturel que l’héritage de La Revue socialiste fondée en 1885 par Benoît Malon, ouvrier-teinturier, soit rappelé (Émeric Bréhier, « Histoire d’un titre ») et que soient inscrits dans ce premier numéro plus que centenaire les temps forts de son histoire dont chacune des apparitions / disparitions a été très étroitement liée au destin du mouvement socialiste en France.