par Éric Dussert
1999, in La Revue des revues no 27
No 1, printemps 1999
Depuis Barrès qui exploitait la métaphore de « l’arbre » pour évoquer l’enracinement d’une nation, jusqu’à l’éditeur plutôt libertaire Jean Le Mauve qui a baptisé du même nom sa maison d’édition rurale et vivace, on ne dénombre plus la forêt en usage dans la presse ou l’édition. Le nouvel Arbre est un peu exotique.
Planté par le militant de « l’art végétal » Pablo Garcia, créateur en 1985 de l’association de « Psychographie » id est « écriture et lecture de la surconscience créatrice », une notion qui renvoie aux tâtonnements pré-surréalistes de Marcello-Fabri, Nicolas Baudouin et consorts qui cherchaient en leur temps « la voie », il provient des rives lointaines de la « Caquet’s River » dévoilée par une photographie d’Aldo Brando servie en couverture. L’image est belle : un ciel bleu, une eau sombre, une rive ocre fournie en verdures constituent une invitation à l’exploration des sous-bois qui sont fournis et d’essences variées. On y trouve des réflexions de Michel Camus sur la « transpoésie » ou sur Adonis, une prose de Pierre Bettencourt qui défie naturellement la loi des genres (« Tu vois, la résurrection de la chair, ça existe. Et d’abord je suis une femme moi, je carbure avec la lune. J’ai toujours raison. »), un dialogue de Cédric Demangeot, des proses poétiques de Joël Vernet, des poèmes de Jinane Chawaf, Yves Namur, Luis Mizon, Adonis, Sara Fressard, Thierry Cazals, Ruben Bareiro Saguier, etc ainsi qu’un cahier de reproductions des manuscrits de Frances Delbecq… sur écorce. À lui seul, cet Arbre est une forêt avec ses clairières et ses coins d’ombre. S’il fallait expliquer le caractère très « Lettres vives » des choix éditoriaux de L’Arbre, on soulignerait le rôle de Michel Camus dans son comité de rédaction. Il faudrait alors évoquer l’ambiance de bonne compagnie qui souffle dans ces branches encore vertes et adresser à la plantation nos vœux doublés du geste superstitieux de toucher son bois.