par Marianne Dautrey
2005, in La Revue des revues no 37
Le drame de la parole, Die Fackel / Le Flambeau de Karl Kraus (1899-1934)
Le 1er avril 1899, paraissait, à Vienne, le premier numéro de Die Fackel, entreprise folle d’un journal créé, rédigé, édité par un seul homme – Karl Kraus – dont le but ultime et expressément annoncé fut, dès son origine, non pas seulement de dénoncer mais d’anéantir la presse. Un pari démoniaque s’engageait là, puisque cet anéantissement ne devait être accompli par nulle autre arme que celle de la presse elle-même, c’est-à-dire par un journal – Die Fackel. 35 ans durant, il s’est nourri et a grossi de ce paradoxe ; il a traversé la Première Guerre mondiale, le démantèlement de l’Empire austro-hongrois, la chute de la Monarchie, la crise économique. Jusqu’en 1934 : cette année-là, Die Fackel devait succomber à l’avènement du nazisme. L’éloquence de la violence d’État national-socialiste devait couvrir, neutraliser, rendre inaudible et inintelligible celle de la parole de Karl Kraus.
The Drama of Speech, Die Fackel / The Torch by Karl Kraus (1899-1934)
On April 1st, 1899, the first issue of Die Fackel was published in Vienna. This was a wild enterprise: a newspaper created, written and edited by a single man – Karl Kraus – whose ultimate and expressly stated goal was from the start not only to expose, but to annihilate the press. A demoniac challenge was thus engaged since this annihilation was to be accomplished with no other weapon than the press itself, in fact by the very means of a newspaper – Die Fackel. Over 35 years, it fed and grew from this paradox; it went through World War I, the break up of the Austro-Hungarian empire, the fall of Monarchy, and the economic slump. Until 1934: during that year, Die Fackel was to succumb to the advent of nazism. The eloquence of national-socialist state violence was to cover, neutralise and make inaudible and unintelligible that of Karl Kraus’s voice.