par Jacqueline Pluet
1989, in La Revue des revues no 7
Qu’est-ce qu’une revue culturelle ? Et quel sens a, pour des intellectuels marocains – c’est la question qu’ils se posent – de créer au Maroc une revue cuturelle ? Il ne s’agit pas, comme l’écrit dans la préface l’artisan de la revue, Adil Hajji, de fabriquer une revue pour qu’elle serve à briller dans les salons et à satisfaire une poignée d’élus.
Librement veut être un lieu privilégié où se tienne l’indispensable débat sur la culture. Or, s’interroger sur la culture au Maroc aujourd’hui, comme en témoignent les écrivains, universitaires et artistes réunis pour ce premier sommaire, signifie travailler à la quête de soi, dans sa société – dont la « bigarrure » n’est pas la moindre caractéristique – et dans le monde. D’où, une réflexion à plusieurs voix sur la « relation fécondante », que doit entretenir la culture marocaine avec le passé et sa non moins nécessaire ouverture sur l’universel et le contemporain. « Moderniser notre culture, – est-il dit – faire qu’elle rende compte et raison de notre situation, qu’elle devienne productrice, enracinée dans notre complexité et dans l’ère nouvelle, mondiale, qui nous enveloppe ». Le rôle assigné à l’Intellectuel n’est plus celui du politique engagé, au service de « vérités partielles » et fragiles, mais de « veilleur », faisant siennes les valeurs de la curioallé, du doute, de la tolérance.
Avec cette première livraison intitulée « Regards sur la culture marocaine » et abondamment illustrée (qualité des photographies), nous est offert un éclairage d’ensemble sur le paysage intellectuel et artistique marocain. Espérons que le mécène de la revue, la Banque commerciale du Maroc et son président, poursuivront leur soutien à Librement qui s’inscrit ainsi dans une tradition où l’art de la revue et l’intérêt qu’elle suscite, appartiennent de longue date à a vie culturelle marocaine (voir, notamment, la contribution consacrée à l’histoire des revues culturelles au Maroc depuis 1912).