par Patrick Fréchet
19891990, in La Revue des revues no 8
Mesure paraît avec, explicitement, la nostalgie de l’authentique Mesures de 1935 (la revue de Church, Groethuysen. Michaux, Paulhan et Ungaretti), tout en taisant disparaître au passage le pluriel du titre. S’il n’y avait que cet s en moins !
Michel Crouzet ouvre celle première livraison pur un texte qui se veut un non-manifeste et qui entend préciser les intentions de la revue. Heureusement d’ailleurs que cet « éditorial » ne soit pas un manifeste, car cela ne serait pas sans inquiéter : voici en effet l’exemple étonnant d’un laborieux, alambiqué et amphigourique texte d’intention. L’équipe de la revue : des universitaires sans doctrine (ou plutôt réunis en un groupe non doctrinaire), et qui se veulent « irréductibles à toute unité » – on les comprend-, et dont le combat est de lutter contre « la stérilité contemporaine et l’effacement de la culture dans la France d’aujourd’hui ». Cela serait tout à fait acceptable, si le comité de rédaction de Mesure, par la voix de Michel Crouzet, ne tombait pas dans le piège de la querelle sur la Modernité. L’inanité de tels efforts ne sera pas récompensée.
Voyons plutôt le contenu. Mesure nous offre des études qui « s’établissent dans une triple perspective » ainsi conçue : formes et genres de l’histoire ; écriture et narration historiques ; l’histoire éclatée et les possibilités de synthèse narrative. Cela nous permet de lire « Virgile et les historiens romains » par Alain Michel, « Les chroniques médiévales et le modèle romanesque » par Michel Zinc, « La biographie aujourd’hui » par Daniel Madelenat et, de Jean Molinot, « Histoire, roman, formes intermédiaires » ; ensuite des études sur Taine, Edgar Quinet… et, de Sylvie Dallet, « Symbolisme et filmographie : le cas de la Révolution » ; « Timidité de l’histoire des sciences » par François Lurçat, et un article de Yan Thomas sur les « usages modernes du Droit Romain » ; puis pour clôre ce premier numéro, deux entretiens avec Emmanuel Le Roy Ladurie et François Furet, sur le sens du retour au récit (« Comment raconter l’histoire de France »). En somme, une revue dense et riche en propos plus sérieux et plus manifestes semble-t-il,
que ses intentions affichées. Thème du no 2 : La mort de l’intellectuel.