par Elvire Lilienfeld
2016, in La Revue des revues no 55
— Nectart.
— Nectar ?
— Non. Oui. Avec l’art en plus. Nouveaux Enjeux dans la Culture, Transformations Artistiques et Révolution Technologique. NECTART.
— C’est un programme politique ?
— C’est une revue, donc oui, bien sûr, c’est politique. Et celle-ci a un titre qui laisse peu planer l’ambiguïté ou le doute. Elle affiche un projet ambitieux : saisir l’époque, de manière transversale, transmédiale, transnationale – pour rester dans le trans-, il s’agit plutôt d’internationale –, au travers de débats et de réflexions sur l’art et la culture dans les sociétés contemporaines. Eh oui !
— Et plus précisément ?
— 160 pages, trois entrées : Enjeux culturels / Transformations artistiques / Révolution technologique, auxquelles s’ajoutent un entretien avec un invité et une rubrique « Place des artistes ». Parmi les pages les plus marquantes et intéressantes des deux numéros publiés, cette Place. Tout à trac, écoute : « Je fais une expérience particulière du monde et j’ai toujours envie de partager ces expériences avec la société » écrit Robyn Orlin dans le no 1, ou encore « J’essaie, sans cesse, de déborder », pour Marion Aubert, dans le no 2. Dans ces deux citations est contenue l’essence même de la revue – oui, affirmation totalement partiale. Une idée de la générosité et du partage, du fait que créer, c’est le faire avec les autres, et puis par le même geste – créateur – être aussi en marge, un peu à côté, « être là où je ne m’attends pas ». Et les réflexions, qui se déploient largement, longuement dans les articles, qui s’interrogent sur les droits culturels, l’intermittence, la place des intermédiaires à l’ère du Net ou le financement participatif, reposent 1/ sur l’idée que ces thèmes doivent être partagés et débattus, et 2/ qu’ils peuvent être saisis en plaçant les enjeux au bon endroit, en d’autres termes, « faire face ».
— …?
— Oui, c’est sérieux, sans doute un peu trop ? Mais enfin, questionner vraiment le monde contemporain ? S’interroger sur le monde vraiment contemporain ? Aux prises avec la réalité, plutôt brute, celle du droit des droits culturels, celle de l’éducation artistique et culturelle, celle des politiques territoriales et de leur effets, celle du rôle des musées, des rôles du musée – autre que celui d’exposer des œuvres, s’entend.
— Et alors ?
— Les musées, conçus eux-mêmes comme des œuvres, devenus des enjeux économiques et touristiques pour les métropoles un peu partout dans le monde, sont-ils en train de se dissoudre dans le marketing urbain ? Ou qui des deux orateurs emportera l’adhésion dans la controverse ? Qui lira verra…
— La controverse ?
— Un sujet, deux points de vue, proposés simultanément par un dispositif de mise en pages : l’un argumente en pages paires, l’autre en pages impaires. Au final : un panorama. Par exemple, « Une politique culturelle basée sur l’offre ou sur la demande ? » Jean-François Marguerin et Olivier Barbeau disputent sous les yeux du lecteur : offre publique, innovation, tradition, usages, marché, main invisible et, in fine, démocratie… Le sujet est complexe. Et ils le sont tous, dans Nectart, car la réalité, le monde sont complexité. La haute qualité de la revue vient de la volonté, très claire, de ne pas réduire cette dernière. Cela la rend très exigeante vis-à-vis de son lecteur – et c’est une vertu. Qui a sa part d’aridité.
Ne pas céder. Observer. Décrire. Agir. Écrire. Ne pas rester immobile dans un monde que l’on préfère en mouvement que mouvant.
— Où pars-tu ?
— Acheter Nectart.