par Bernard Baillaud
2011, in La Revue des revues no 45
Il sort de Mazamet, à intervalles irréguliers, de curieux petits livres. Les uns portent les noms bien trop connus, de Dominique Aury, Roger Munier, Pierre Oster ou Saint-John Perse, les autres tablent ouvertement sur l’anonymat, comme cette « inscription » titrée Je suis l’envers du monde. Mais jusqu’ici, pas de revue littéraire dans la maison de Gaspard Olgiati. Les neuf numéros de La Horde éparse, sans date mais échelonnés entre août 1973 et fin 1976, et d’ailleurs presque introuvables, relevaient de la revue d’amis, plutôt que de la revue littéraire : chaque contributeur y apportait lui-même ses pages manuscrites ou dactylographiées, que l’éditeur se chargeait ensuite de réaliser par stencils thermiques sur des papiers de couleurs variées, au même format 21 x 27 cm, pliées en deux sous la couverture, la revue se résorbant alors en un 13,5 x 21 cm. Doté d’un manifeste inaugural, La Horde éparse notait le déclin des bonnes habitudes épistolières et proposait de « s’écrire à trente ou quarante ».
Pas de revue, jusqu’à ce Quatre, qui en est déjà, depuis juin 2008, à sa troisième livraison. Les observateurs observeront que les numéros I et II ont le même achevé, « dès le 24 juin 2008 ». Le principe de Quatre est simple comme son langage chiffré : quatre textes seulement figurent au sommaire. Fragments, poèmes, dialogues forment distributivement l’unité de chaque numéro. On peut très bien ne pas les lire. Quatre n’a pas de modalité d’abonnement, pas de numéro d’immatriculation, encore moins de stratégie de communication. Il en allait de même de La Horde éparse. Une revue sauvage ? Une revue pourtant, aux limites de la définition d’un genre qui se contremoque des définitions, malgré tout ce que nous pouvons en lire ou en écrire. Mais justement : une revue à lire, qui en vaut plusieurs.