Quoi ?

Revue internationale et interdisciplinaire

par Françoise Dufournet
2005, in La Revue des revues no 37

« Quoi ? » interroge cette magnifique revue sur papier glacé ? Envol, répond le tournesol qui tournoie sur le ciel de couverture. Envol, propose le sommaire qui égrenne des noms offerts à notre curiosité : Eva Almassy, Miquel Barcelo, Iouri Bouïda, Geneviève Brisac, Agnès Desarthe, Flor Garduno, Marc Meneau, Nicolas Witkowski…
Mais que font-ils ici, ensemble ?
« Quoi ? », nous dit Anne-Marie Pilon-Olariu, rédactrice en chef, « c’est quoi ? une revue de saisons ? une revue de salons ? une revue de conversations, oui, une revue de conversations entre ceux qui aiment les histoires. Des histoires de mots et des histoires d’images. Une revue d’évocations ? d’imaginations, de créations, de contemplations, d’associations ? Oui, une revue d’associations. L’œil, l’oreille, le regard, la voix. Regardez, écoutez, voici une histoire. »
Voici donc une revue d’images et de textes, inventée par un couple d’artistes, d’origine roumaine, lui, sculpteur et photographe, elle photographe et graphiste, appréciant les arts, la littérature… et l’humour : ils nous offrent tout ce qu’ils aiment.
Une revue qui invite à « sauter » (comme il est aussi préconisé dans l’éditorial) d’un univers à l’autre, dans un joyeux mélange des genres : des photos, des poèmes,des nouvelles, une recette de cuisine de Marc Meneau, Pasteur, Einstein et Chaplin… Des rencontres surprenantes, comme cette revue imaginative osant téléscoper des univers d’artistes rassemblés des quatre coins de la planète : Iouri Bouïda (Russie) raconte sa drôle d’histoire : Le nordic et le reirual (traduire: le citron et le laurier), entre une page du Journal de Kafka, et un charmant poème de Virilio Efran (d’Ikoursk) : La douche en plein air, illustré par le photographe Koto Belofo (Afrique du sud).
Les magnifiques images de Juan Marie Moral sur Barcelo, Natures vivantes, sont encadrées par le texte de Geneviève Brisac : Aux aguets, lettre de vacances insidieusement minée par un imaginaire danger ; et un texte : Camino de Martin Debaeque (né à Bruges) accompagné de photos faites par Flor Garduno qui fut l’assistante de M. Alvarez Bravo. Sans oublier la troublante histoire d’Agnès Desarthe : Une leçon de vol libre, petit conte cruel à l’humour doucement grinçant… Suivi d’une immédiate plongée dans les photographies poétiques de Julian Olariu, baignées d’une blancheur irréelle; tandis que l’étonnante série de « Portraits » réalisée par Aline Smithson : Arrangement en vert et noir : la mère de la photographe, offre le plus bel exemple du ton de la revue : présentées comme une réflexion autour de l’idée de portrait, nous voici face à des images où nous admirons une rigoureuse mise en scène, travaillant sur l’excentricité (et le rire). « Ma gratitude va à ma mère », dit l’artiste, « à son sens de l’humour, et au temps que ce travail nous a permis de passer ensemble. »
À chaque page, autres univers, autres lieux. Revue internationale – et donc aussi en anglais – orchestrant le mélange des genres avec audace et légèreté. Parce qu’ici, on ne cesse de jouer avec les signes, l’espace et le temps. Parce que l’humour, et le sourire apparaissent à toutes les pages. Parce que l’esprit de sérieux est délibérément banni. Parce que le regard de chaque artiste apporte sur le monde un point de vue décalé, c’est-à-dire poétique.
Une revue à savourer le soir, avant de fermer les yeux.


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