par Amal Renne
1995, in La Revue des revues no 19
Tout comme le recueil éponyme pour lequel André Breton, Paul Éluard et René Char réunirent en 1930 des « poèmes hâtifs et souverains », Ralentir Travaux cherche à promouvoir une littérature libre de tout engagement moral, historique ou social, une littérature « qui n’aurait de comptes à rendre qu’aux principes qui la fondent : l’art et la liberté ».
Gratuité de l’art longuement défendue par Bernard Desportes dans son éditorial – « Tout est perdu dans la réalité » -, et pour qui la poésie « n’a ni berge, ni bord, ni rempart – elle passe outre, elle est ailleurs ».
« Le passeur », justement, titre d’une nouvelle de Michel Fardoulis-Lagrange, ouvre ce premier numéro où chacun des textes proposés vient illustrer, voire appuyer, l’engagement esthétique suivi : « Noxoire I », de Hubert Haddad – ou la conscience comme perte chez Georges Bataille ; « Art, vie, culture, la modernité en perspective » de Dominique Grandmont, pour qui la mode ne peut que trahir l’obligation traditionnelle où nous sommes de rattacher l’art à l’utilité »; « À la recherche d’André Masson perdu », extrait du journal d’Alain Jouffroy rendant hommage à l’espace trans-contemporain » du peintre…
Soigneusement présentée – bien qu’elle se veuille une revue « en chantier » – par Anne Cavalier et imprimée par Le Temps qu’il fait, Ralentir Travaux consacrera son prochain numéro à René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, deux poètes de la « métaphysique expérimentale », de la remise en question du langage, de l’art, de la réalité.