par Vincent Duclert
1999, in La Revue des revues no 27
Étudier les revues est une façon d’étudier la résistance scientifique. Les revues scientifiques sont les émanations de laboratoires et révèlent la dimension politique de la recherche. Pendant l’Occupation de la France, la plupart des revues continuent à paraître, considérant que répandre la connaissance est une attitude patriotique, mais aussi en raison de l’inertie des structures en place. Parmi les attitudes complexes adoptées, soumission, compromis, dissidence, un véritable esprit de résistance apparaît. Un bon exemple est donné par le Bulletin analytique, publié sans autorisation officielle par le CNRS et édité par Jean Wyart. Le challenge est de promouvoir des documents scientifiques et les réseaux d’étudiants comme de scientifiques y sont impliqués. Au début, son existence est moins critiquée par les autorités allemandes que par les collaborateurs français. Dans le Sud de la France, les exemples de patriotisme scientifique sont nombreux, ainsi Les Cahiers de Physique. Le succès des revues montre que le problème de rester et publier en France de la science française peut être surmonté. Faisant le choix du refus et de la résistance, des revues révèlent leur dimension éthique, renvoyant à une certaine conception de l’importance du savoir.
Research and resistance
Reviewing journals is one way of studying scientific resistance. Scientific journals are offshoots of laboratories and also reveal the political side of science. During the occupation of France, most journals continued publishing, with the idea that spreading scientific knowledge was a patriotic statement, but also because of the inertia of existing structures. Among the complex possible attitudes in the face of occupation : submission, compromise, dissidence, a true sense of resistance came to light. The best example of this is the Bulletin analytique (« Analytical Bulletin »), which was published without official authorization by members of the CNRS (National Centre for Scientific Research) and edited by Jean Wyart. The challenge was to promote scientific documents and networks of scholars and networks of scientists were active in doing so. At first, its existence was threatened not so much by German authorities as by French collaborators. There were further examples of scientific patriotism in the southern zone and Les Cahiers de Physique (« Journal of Physics ») is a particularly good illustration. The journals’ success proved that the problem of deciding to stay and publish in France while promoting French science could indeed be overcome. By taking the stance of refusal and resistance, journals proved to have an ethical dimension. This was in turn linked to a certain concept of the importance of knowledge.