1992, in La Revue des revues no 12-13
Au début de 1940, le poète Armand Guibert se plaignait auprès d’Adrienne Monnier de « l’indifférence » avec laquelle elle avait accueilli ses Cahiers de Barbarie publiés dans les années trente à Tunis. Même aujourd’hui, cette vie éditoriale du temps du protectorat reste mal connue, comme le sont la multiplicité des revues qui virent le jour durant cette période et dont on trouve fort peu de traces dans les bibliothèques. Jalouses de leur spécificité nord-africaine et de ce fait repliées sur elles-mêmes, les revues d’expression française en Tunisie ont souffert à la fois du manque de reconnaissance de la part de la Métropole et de leur situation historique dans le sillage de la puissance coloniale. Ainsi que le regretta Armand Guibert, l’esprit d’ouverture à l’universalité des cultures et des littératures fut en effet loin d’habiter intensément ces revues, qui furent d’autre part peu perméables à la réalité indigène. Un coup d’oeil sur quatre des plus importantes revues françaises publiées à Tunis avant l’Indépendance et étudiées ici durant la seconde guerre mondiale, montre la persistance d’une incuriosité largement partagée. Seule fait exception la revue des Pères blancs, Ibla, qui doit à sa première et constante sympathie pour le monde tunisien, maghrébin et arabo-musulman en général, de poursuivre toujours à Tunis, non sans avoir renouvelé ses approches, le projet entrepris voici plus de cinquante ans.