par Emmanuelle Lambert
2002, in La Revue des revues no 32
Nouvelle : dès l’abord, la revue Rond-Point, du théâtre du même nom, se veut nouvelle. Typographie, contenu, propos. L’idée est belle, et apporte un peu d’air ; pourtant, l’ouverture par le texte fondateur de l’EAT (les Écrivains Associés du Théâtre) datant de… 1969, avec les précieuses signatures de Roland Dubillard, Eugène Ionesco, Romain Weingarten et François Billetdoux, signale la difficulté de cette position. Transmettre cet héritage et dire la volonté novatrice de Jean-Michel Ribes, aujourd’hui à la tête de l’EAT, auteur, homme de théâtre, directeur du théâtre du Rond-Point, n’est pas chose aisée.
Le format, la couleur comme le foisonnement de cette revue veulent sans doute traduire cette aspiration.
On retiendra de beaux échanges entre auteurs, un entretien avec Olivier Py, le commentaire libre et éclairé de la programmation par François Régnault ; signaler les œuvres ayant retenu l’attention du comité de lecture en donnant les moyens d’y accéder est également une des bonnes surprises de cette revue. On comprend moins la nécessité du billet du professeur Rollin – vomir, ironie ou pas, tout ce que le répertoire comprend d’auteurs classiques n’apportant pas grand chose à l’affaire, de même que la référence à Palace, dans l’éditorial ; on goûtera ou non le fait que la revue a souhaité nous éclairer de ses lumières (dans un dossier co-signé par Claire Renaud et Noëlle Guibert) par un catalogue d’échanges entre auteurs et metteurs en scène ; on s’amusera de trouver, au cœur de cet espace libre, l’institution scolaire, dans l’article de Jean-Claude Lallias (professeur à l’IUFM de Créteil, conseiller pour le théâtre à la Mission de l’éducation artistique, directeur de la collection « Théâtre d’aujourd’hui » au CNDP) qui retrace la démarche d’Eugène Durif, intervenant fréquemment en milieu scolaire. Enfin, parmi d’autres sur plus de cent pages : un inédit de Jean-Claude Grumberg, un dessin de Willem, les citations de la rubrique « Entendu ici ou là »… et une mise en page qui joue sur l’esthétique du collage, dans une volonté affichée de mouvement, alternant deux couleurs, rompant le cadre tracé autour du texte par des citations dissymétriques.
En quatrième, il y en a trois ; une de Roland Blanche (« Jouer les auteurs vivants, c’est comme manger chaud, c’est meilleur »), une de Mohamed Rouabhi (« Ne parle pas aux crétins, ça les instruit »), et une de Guillaume Apollinaire : « Plus vite, bon Dieu, allez plus vite ». Nous retiendrons la dernière : la revue gagnera sans doute à se resserrer sur les nouveautés, pour se faire l’écho de ce « théâtre de la déroute » que Jean-Michel Ribes appelle, dans ce premier numéro, de ses vœux.