par François Bordes
2011, in La Revue des revues no 45
La nouvelle avait été annoncée au printemps 2008. Après Obsidiane et Le Mâche Laurier, la quichottesque troupe menée par François Boddaert ne désarmerait pas. Bien au contraire. Elle se propose désormais de conquérir la toile sous un nom de guerre sismique et tambourinant : Secousse.
L’aventure avait commencé en 1978 sous la forme modeste d’un fanzine poétique. S’enrichissant avec le temps, la publication passa, rappelle son directeur, du plomb à l’offset et de la typographie à la PAO, de l’agrafe au dos carré collé. La voilà désormais virtuelle, téléchargeable, copiable-collable, ouverte aux quatre vents du réseau. Ce pari en surprit plus d’un. Alors, poètes, que vous fait la toile ? Revue, qu’es-tu devenue ?
Pour le savoir, il suffit de pianoter l’adresse http://www.revue-secousse.fr/ et de surfer sur la nouvelle revue électronique. Il est aussi possible de télécharger et d’imprimer. Vous pouvez alors feuilleter la revue électronique. Calibrée et organisée, elle est dotée d’un conseil littéraire. Ouverte par un éditorial, elle propose des rubriques délimitées et cohérentes : poésie, proses, essais, humeurs, beaux-arts et notes de lecture. La forme revue est donc respectée et réinventée. Secousse démontre une nouvelle fois que l’exigence dispense aussi ses bienfaits sur la toile.
La poésie, Dulcinée de la troupe, ouvre le premier numéro, avec Pascal Commère, Bruno Germani et Constantin Kaïteris. On découvrira, en version bilingue, la poésie peuplée d’Adrienne Eberhard traduite de l’anglais par Christine Bonduelle et celle de Nichita Stanescu présentée et traduite du roumain par Pierre Drogi. Après les textes de David Bosc et de Lionel Bourg, Christian Doumet explique résolument sa façon inimitable d’imiter Borgès. Dans sa « carte blanche », Christine Bonduelle propose une réflexion sur l’utilisation de poèmes de la dynastie Tang par le compositeur contemporain Philippe Hersant, reproduisant 8 pièces traduites par François Cheng. Sur le site, un lien permet d’écouter des extraits musicaux, ainsi que des lecture de textes. La « sonothèque » est un des apports de la version électronique : un certain nombre de contributions de ce numéro peuvent en effet être écoutés en ligne. Enfin, on soulignera la grande qualité de la rubrique des comptes rendus. Avec internet, les notes de lecture ont parfois la fâcheuse tendance à se transformer en interminables fiches de lecture oiseuses, verbeuses et prétentieuses. Ici, tout le contraire : l’essentiel, en quelques paragraphes tranchants.
Réussite, donc, que cette conversion électronique. Comète désespérée, bouteille à la mer, attaque kamikaze contre l’araignée internet, pari renouvelé dans les pouvoirs de la parole poétique, Secousse est une autre façon de poursuivre le vieux combat des mâcheurs de laurier, contre vents et marées.