par Éric Dussert
2003, in La Revue des revues no 34
Sise entre Aude et Paris, Siècle 21 est l’organe d’une association qui nourrit de très larges aspirations. Parce qu’elle affiche Littérature & Société puis déclare s’inquiéter du vide intellectuel généré par la destruction du mur de Berlin.
« Pour la première fois depuis des siècles peut-être, nous vivons dans un monde et dans des sociétés sans projet à long terme, sans perspective d’avenir […] C’est ce “vide” qui nous préoccupe. ».
Réticente à d’éventuelles utopies nouvelles ainsi qu’à l’extrême libéralisation diffusée par les observateurs et les spécialistes du monde comme il va, l’équipe de Siècle 21 souhaite pouvoir donner une autre vision du malaise des civilisations et sollicite pour ce faire « ceux qui ont toujours le dernier mot : les écrivains ». On peut ne pas souscrire à cette formule car la petite histoire et la grande montrent que les écrivains du siècle dernier, hormis quelques rétifs notoires, ne se sont pas montrés plus lucides que le quidam dans le bruit et la fureur des batailles idéologiques de leur temps. N’empêche, on peut aussi considérer, si l’on s’en tient à une vision romantique de l’artiste, vision romantique ou bien simplement généreuse, qu’« il ne nous reste que la parole de l’écrivain, la poésie et la fiction, pour nous dire la vérité des hommes. En présentant les littératures nationales et les grands problèmes des sociétés par la voix même des écrivains, nous sommes persuadés que nous offrons à nos lecteurs des éléments d’émotion et de réflexions nourris d’une autre sève. »
Et, de fait, Siècle 21 respecte ce programme dans un premier sommaire appétissant et équilibré. Entre les chroniques sociales variées dont on savoure le propos autant que les intitulés (« Le rien qui perce », « Paroles gelées », « Passants du siècle ») et les dossiers littéraires roboratifs (« La littérature indienne » et « Hugo vu d’ailleurs »), les deux questions de la représentation du monde contemporain et de l’art que l’on en fait se mêlent sur le sujet éminemment représentatif du sauvage XXe siècle : « La Guerre et la Paix ». On lit alors les écrivains Annie Saumont, Didier Daeninckx et Marie Etienne, l’universitaire américain Lawrence Joseph à qui l’on doit de très belles éditions de Catherine Pozzi, et encore Alisa Skic ou Spojmaï Zariâb, la nouvelliste afghane récemment mise en évidence par la revue Brèves.
Siècle 21 semble donc partir d’un bon pied. En bonne logique, elle sera l’objet d’une attention minutieuse d’autant qu’elle annonce pour ses livraisons à venir des sujets aussi variés que le jeu, la traduction, la France musée, les rapports d’amour ainsi que des panoramas des littératures russe, anglaise, afro-américaine et hongroise contemporaines. Soumettre aussi simplement le monde et la littérature à cet exercice de mise en ordre, tout au moins de présentation ou, prosaïquement, de mise à plat semble non seulement une bonne idée mais aussi un exercice de salubrité nécessaire.
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