par Éric Dussert
1998, in La Revue des revues no 25
The Incredible Justine’s adventures dispose de sérieux atouts promotionnels : un titre digne des Pulp magazines et une éclatante couverture orange au format tabloïd. Si l’on en croit le prière d’insérer, le choix de ces attributs graphiques dépasse le tape-à-l’œil et dénote le souci de renouer avec la vitalité des avant-gardes.
La rédaction installée en Franche-Comté revendique d’emblée une place entre Luvah et Travers, les deux revues phares de la région. Il s’agit, explique le directeur de publication, « d’occuper l’espace vide » entre poésie et philosophie pour exposer « une réflexion socio-politique ». Une ambition servie sur des modes très différents par les récits, poèmes et chroniques de Cervantès Compiladora, Emmanuel Bataille, Carlos Pereira, Rémi Giacomotti ou Patrick Baudry. Autour de « propos philosophiques » aussi convaincus qu’amphigouriques d’Anne-James Chaton et Louis Ucciani, les contributions laisseraient une impression composite si dans leur profusion n’apparaissait une recherche commune. Celle d’un ton, d’une langue qui s’affole et confine parfois au sabir ou, pour en donner une image plus familière, au « nadsat » d’Anthony Burgess.
Reste que la revue ne s’offre qu’aux lecteurs tenaces. Tenaces parce qu’il leur faut d’abord saisir la logique de l’objet, trouver le sommaire, jongler avec des folios libres et découvrir qu’au bout du compte, il fonctionne comme une série de samizdats. Imposées avec autant de fantaisie que possible, les cinquante-six pages ramènent aux grandes heures de l’agit-prop. Recouvertes d’une vignette de comics – « Je vais lui faire goûter à mes “caresses” » déclare un super-héros à un autre – elles ressuscitent la manière situationniste et le goût pop art de la provocation. Si sa « poun’kattitioude » range The Incredible Justine’s adventures au rang des résurgences stimulantes de la culture underground des années 1970, elle atteste aussi d’une belle originalité.