Prendre garde à ne pas aller trop vite en ouvrant le dernier numéro de La revue de belles-lettres (2015, 2) malgré l’envie de rejoindre aussitôt la voix de Franck Venaille parée de voix amies. Ce serait manquer la découverte de Donata Berra, de Leta Semadeni, la blessure ardente de Max de Carvalho (« l’aube en été dépeuple les faubourgs, laisse entrevoir natale la déchirure ») que pansent parfois vent, azur, épis…, les abords des nuits calmement imparables de Thilo Krause (« A la lisière du sommeil/il se mit à pleuvoir), d’autres encore (Francine Clavien, Wulf Kirsten) : La rbl est décidément source inépuisée de langues rares (le romanche), de lectures neuves…
Lente descente donc vers Franck Venaille, au verbe fécond, inassignable : « Dans la matière même du rêve » un torrent nocturne, carnavalesque, funèbre comme drolatique, – à la poésie ce qu’est un tableau d’Ensor pour l’écrivain amoureux de la Belgique qui conclut sa tempétueuse déambulation de rêves par cette formule qu’il fait sienne et qui lui va si bien « l’élégance dans le malheur ». On lira ou relira Noord (repris du dossier paru dans Europe) dans lequel Franck Venaille esquisse son art poétique. Deux flèches : « je suis devenu cheval flamand », « Faire mal aux yeux du lecteur ». C’est encore un peintre flamand qui dénoue l’hétérogénéité de sa geste (cheval et cavalier…) poétique : Constant Permeke, aux toiles rudes et tendres, chaudes et mutiques. La Belgique, on ne la quitte pas. Voici un frère en poésie, William Cliff – encore tout étonné de l’affectueuse attention que lui porte depuis les années 70 la poète de La Descente de l’Escaut – tentant de comprendre l’amour de Venaille pour ce fleuve si peu héroïque – l’Escaut – : peut-être en vertu du fait que son cours tourne le dos à la France mal-aimée…Cliff qu’on retrouvera plus loin pour une série de 6 poèmes. Alain Madeleine Perdrillat livre une étude sur La Bataille des éperons d’or, (Mercure de France, 2014) « livre où règne une sort d’état de guerre général ». Pierre Voelin, « Dans la douleur d’être au monde », courte méditation poétique, écrit ceci à propos de Venaille : « Au mal, il n’ajoutera pas. Ni paillettes, ni fanfreluches, ni fanions de misère ». Emmanuel Moses depuis la berge du fleuve Venaille lui adresse une flambée de poèmes, feux de joie/ signaux de détresse.
Plus loin, les sanguines de Claude Garache, – des femmes feu – sont un autre flamboiement.
Frédéric Repelli