Les Nouveaux Cahiers pour la Folie n° 7

 

Comment naviguer en pleine tempête, lorsque la force insoupçonnée des déferlantes menace l’intégrité du navire, lorsque le vent imprévisible, insaisissable brise la coque à la solidité déjà compromise ? Survivre au naufrage, rassembler les morceaux épars, et pourquoi pas fabriquer un radeau. C’est ce que nous propose dès l’édito le numéro 7 des Nouveaux Cahiers pour la Folie : embarquer pour une traversée incertaine dont les mots constituent l’ultime abri.

 

Les mots définissent, précisent, distinguent et par là peuvent pourfendre les préjugés et les amalgames. Caroline Z. ne pouvait mieux initier ce numéro : « Il faut différencier les personnes vulnérables des crapules de sang ». La folie peut avoir mille et un visage mais rarement celui que l’on attend.

 

Porté par le récit de Martine on est déconcerté par un libraire au geste insondable ; puis on se hasarde au gré des pages lorsque les premières lignes d’Eros Mania nous saisissent « J’ai pensé très fort à vous parce que votre parfum était créatif et que dans mon château les remparts s’écroulent ». On s’aventure au rythme – ou plutôt au poids – des heures et des dialogues éloquents avec les poèmes d’ Ariane Khalfa. Car dans les méandres d’un exil aux traits amers, il y a les mots insoumis, ceux de la poésie : Patricia Louvain et Guillaume Sanchez dessinent les contours d’un isolement insoutenable en nous partageant le chemin tortueux de l’être en déshérence.

 

Les mots pour dire, lutter, s’indigner, écouter, soigner… Au cœur du mouvement Nuit Debout la Commission psy, soin, accueil œuvre à « défendre une éthique de la rencontre et de l’accueil du singulier ». La parole prend place et fonde un espace de réflexion, d’échange, de résistance en somme dans un monde sociétal au discours dévoyé et aux actes délétères.

 

Foyer de mots et d’ idées les revues ont une place toute singulière dans les milieux psychiatriques, en tant que lieu où se lier, se dire, permettre au quotidien de prendre vie, prendre corps. En témoignent les extraits de Trait d’Union de l’hôpital de Saint Alban et Globo Rojo de l’asile de Santa Agueda en Espagne.

 

Ce cahier aux plumes hétéroclites préserve ce qui fait la particularité de cette revue : donner à entendre la parole polyphonique de celles et ceux qui demeurent concernés par la folie.

 

Alice Dallavalle