La très sobre couverture des Cahiers Benjamin Péret n’annonce en rien l’abondance qu’offre cette revue. J’utilise à dessein « revue », car le mot dit bien la richesse d’une telle publication, la qualité de son « montage ». Sous une discrétion apparente qui mérite amplement d’être dépassée par ce qu’on appelle curiosité, ces cahiers, richement illustrés, invitent à redécouvrir l’univers surréaliste à travers l’œuvre de Benjamin Péret, ses parentés, ses affinités, et cela grâce à la redécouverte d’articles anciens, la présentation de nombreux documents inédits, et la proximité des contemporains.
Une anthologie de rêves surréalistes accueille le lecteur, manière d’introduire le dossier consacré à Jehan Mayoux (1904-1975), ami de Péret, homme de liberté, poète et militant. Un homme qu’on aurait aimé connaître, qui savait tendre la main, et pour qui la poésie était « avant tout un merveilleux outil de connaissance », connaissance du monde, connaissance des êtres, du jour comme de la nuit. Mayoux chante l’amour, « lumière dans la grande ombre de la maison», la liberté en art, et l’indépendance de l’esprit. Le dossier produit poèmes, hommage à Breton, et lettres sur les raisons de son départ du groupe surréaliste, quelques extraits de ses nombreuses correspondances, ce lieu où la vie est encore battante, où les débats autour du surréalisme et de ses rapports au politique sont vifs. On y retrouve les qualités de Mayoux, son humour, ses pudeurs, ses convictions et un sens très fort de l’amitié. En contrepoint, les Cahiers produisent aussi plusieurs lettres de Benjamin Péret adressées à Mayoux, dont la plupart sont inédites, autour des années 1939-1959. On y apprécie la bienveillance de Péret, la franchise de l’amitié, les contingences de l’édition et de l’écriture, leur lutte contre le fascisme et le stalinisme. A propos de franchise, on aime également celle qu’on trouve dans la correspondance entre Mayoux et Breton, après la publication en 1946 de Arcane 17, Mayoux ne comprenant pas « comment les circonstances on pu » amener Breton « à tomber dans le panneau patriotique ».
Une partie importante des Cahiers est consacrée aux « études ». Avec un article de Pierre Lassalle sur le mot « surréalité » et l’histoire du mot « surréalisme », et un texte de Guy Prévan de 1984, « Benjamin Péret l’homme libre », qui permet de revenir sur les proximités de Péret et Mayoux. C’est aussi le poète que célèbre Mayoux dans un article paru en 1957, « Benjamin Péret, la fourchette coupante » dont le titre fait écho au « Traité des Fouchettes » dont les Cahiers publient des extraits dans le dossier consacré à Mayoux. En tout, on trouve beaucoup de cohérence dans ces Cahiers, dont le montage est très pertinent, jusqu’à l’article final de Claude Courtot sur l’amitié entre Mayoux et Péret, une amitié « fondée sur l’estime, la complicité poétique et la proximité politique ».
David Collin