Jacques Cauda est un jeune peintre d’un certain âge qui, notamment, répand sur les réseaux sociaux sa peinture charnelle et crue, puissante et dérangeante parfois. Il ne s’embarrasse pas de joliesse. Le geste domine, violent mais maîtrisé, dans les corps qu’il représente, sexués et offerts.
Série plus sage ( ?), c’est un bestiaire que nous offre ce numéro hors-série du Cafard hérétique : quelques portraits humains, une magnifique paire de jambes sinon une quarantaine d’œuvres, lavis, encres, aquarelles, grinçantes, grimaçantes, déploient, du bivalve aux kangourous (ou aux lièvres : le débat est lancé !), des volatiles aux chiens, passant par arthropodes, insectes et reptiles, crustacés et poissons, en vrac une ménagerie qui inspire des auteurs des éditions Lunatique.
L’oiseau en couverture serait parmi les plus aimables, et qui reflète le cafard habituel glissé en première page.
Une rencontre avec AlexSandra présente l’artiste de façon légère, drôlatique. Puis commence le parcours, initié par un vautour au bec rose. Quatorze auteurs se sont donné les mots qui répondent aux animaux, textes courts, de la nouvelle au poème, d’une sombre tonalité répondant aux noirceurs des bêtes. Premier d’entre eux, « Énergie du désespoir » de Michel Antoine Chappuis, suivi d’un « Aigle du Caucase, matin » éclaboussant de sang, d’Antonin Crenn. Plus loin des « Archétypes » proposés par Angèle Casanova s’inspirent de la mer comme bain primordial, et transcrivent les mythes comme textes originels, transformant ces personnages en acteurs de nos vies modernes. Ou nos acteurs en personnages de tragédies antiques.
« La Mouche » de Perrine Le Querrec se termine par « Le furieux bourdonnement de la mouche giclure d’encre lourde », annoncerait presque « Encrez dans la danse » où Alexandre Nicolas décrit de noirs diptères. Entretemps du même auteur, l’apparition soudaine d’êtres humains et de ces jambes évoquées, solaires, semblent hors de propos. Puis de petits oiseaux, pages douces précèdent des « Retrouvailles » cocasses. Répit ?
Qui se cache derrière les six poignantes « Chiennes de vie », cruelles mais où la vie s’accroche malgré les trajectoires dévastées, illustrées de ces femelles mal aimables et grimaçantes, couchantes ou menaçantes. Ou sont-ils plusieurs à conter ces désespoirs ?
Vanessa Kientz, Bruno Lus, Yan Kouton (cinq textes), Julien Boutreux, Réginald Cornier (en cinq pages, « Le petit chat est mort », les adieux au chat, au père, à l’enfance. La maison se referme.), Thibault Marthouret (trois textes) égrènent bestioles, rapace, araignées, chat, chien de garde, une « chose dans la boîte », chien encore et puis guêpes, et grenouilles pour finir.
A noter, quelques pages en fin de revue présentent une maison d’édition : il s’agit ici de Qupé éditions, créées en 2016 à Paris et qui ont sorti près d’une vingtaine de titres. Puis encore un lapin, des lièvres… mais pas de raton-laveur.
J’ai gardé pour finir la contribution la plus courte mais violente, émanant de guêpes sombres dessus les nénuphars, texte et image contenus dans la page 45 (sur 144), évocation d’un meurtre calme comme l’eau qui dort (le résumé d’un film ?), en huit lignes où j’apprends le mot « cruor » : Axel Sourisseau signe « Tu es revenu du lac », qui se termine « comme un collier d’été ».
Yannick Kéravec