par Daniel Riche
1986, in La Revue des revues no 2
Zone est née d’un mécontentement, celui ressenti par ses fondateurs (Jonathan Crary, Michel Feher, Hal Foster et Sanford Kwinter) devant le « paysage » des revues éditées aux États-Unis. Il y a quelques années, en effet, tout se passait comme si les Américains avaient à choisir entre l’académisme vétuste de certaines publications dont les sommaires se voulaient ambitieux et l’innovation graphique d’autres qui, prévilégiant leur côté « bel objet », n’offraient le plus souvent qu’articles insipides et entretiens superficiels. Entre les deux, estimèrent alors les très new-yorkais (quoique comptant un belge et un canadien dans leurs rangs) créateurs de Zone, il devait exister une terra incognita susceptible d’accueillir une revue qui, pour être belle, inventive et audacieuse quant à sa maquette, ne sacrifierait en rien l’exigence et la rigueur de son contenu. Paraissant une fois l’an, Zone s’efforce de privilégier un thème dans chacune de ses livraisons pour l’aborder dans une perspective transdisciplinaire afin que se dégage de cet ensemble de voix, d’images et de discours une problématique. Ainsi, dans le no 1-2 est-il question de la ville envisagée tant du point de vue du pouvoir que de celui de la circulation des matériaux, des idées et des personnes au travers de textes signés (entre autres) Paul Virilio, Éric Alliez, Michel Feher, Marc Guillaume, Manuel De Landa, Gilles Deleuze et Félix Guattari, Jean-Paul de Gaudemar, etc. et d’images « installées » par John Baldessari, Dara Birnbaum, Keith Sonnier, Gretchen Bender, Françoise Schein, Justen Ladda ou Dan Graham.
L’image joue d’ailleurs un rôle très important dans cette revue (qui est peut-être, pour l’instant, la plus belle du monde…, il n’est pas inutile de le souligner) mais ce serait se fourvoyer que de penser qu’il s’agit d’une iconographie à vocation purement ornementale. Les artistes intervenant dans Zone y déploient de véritables « installations » qui sont autant de « mises en scènes » productrices de sens au même titre que les textes les environnant.