La tendresse sauve tout
Comme la gentillesse, la tendresse a toujours un peu mauvaise presse et pourtant, pourtant quelles sources de richesse et de sagesse !
Le nouveau numéro du Coq-héron s’intéresse à l’opérativité de ce concept en psychanalyse au travers d’un dossier coordonné par Laurent Tigrane Tovmassian. Une fois levé le « tabou » autour du mot, on constate que son importance théorique est loin d’être négligeable – comme on le voit chez Ferenczi ou Bion. Les aspects thérapeutiques de la tendresse sont nombreux, que ce soit dans le contre-transfert ou les « dispositifs ressources pour la protection de l’enfant ». Elle est aussi d’un immense secours pour faire face aux histoires traumatiques. Régine Waintrater plonge dans l’œuvre de Charlotte Delbo dont les écrits témoignent d’une « tendresse exigeante » permettant une lente et patiente réassurance après le traumatisme de l’expérience concentrationnaire.
Au-delà de ces aspects thérapeutiques, la tendresse demeure sans nul doute une vertu à cultiver aujourd’hui. Sa force permettant le « jeu psychique », elle constitue un « vecteur de transformation de la détresse ». Tendresse et émancipation ont donc bien des points communs.
Surrealistic pillow
2024 s’annonce comme une grande année surréaliste. Nous en avons déjà eu des preuves et l’automne le confirmera à l’occasion des 100 ans du Manifeste du surréalisme : parution d’un nouveau Pléiade André Breton, exposition à Beaubourg et à la galerie Gallimard…
Côté revue, artpress lui consacre son numéro de rentrée et la Nouvelle Revue Française son dossier de l’été (no 658). Posant la question « l’époque est-elle encore surréaliste ? », la NRF nouvelle (et élégante) mouture donne la parole à une dizaine d’auteurices comme Nicolas Mathieu, Mohamed Mbougar Sarr, Thomas Vinau, Marie Modiano ou Ryoko Sekiguchi dont le conte « Guirlandes » est un parfait témoin de la persistance rétinienne du rêve surréaliste.
Faust GPT
Dans ce même numéro de la NRF, Antoine Gallimard fait le point sur un rêve devenu réalité – menaçant parfois de se transformer en cauchemar : l’essor d’une IA générative dont les performances bouleversent « les conditions d’expression créative de la personne humaine. En 2012, le président de Gallimard et du groupe Madrigall avait publié dans Le Débat un article sur l’impact des nouvelles technologies sur le livre. Douze ans plus tard, avec « Le livre et l’IA, un pacte faustien ? », il propose un tour d’horizon des principaux défis soulevés par le développement de l’IA, redoutable « puissance d’effacement et de substitution ». Il rappelle le rôle essentiel du droit d’auteur, « espace de liberté pour le meilleur de la créativité humaine » garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’IA, ne peut donc continuer à s’imposer par une « politique du fait accompli ». Son encadrement constitue une urgence, à l’image du Règlement européen sur l’IA adopté en début d’année. « Jamais l’éditeur n’a été plus dans son rôle en garantissant l’originalité de ce qu’il propose à ses lecteurs. » Le monde du livre, de l’édition et des revues tient ici une place essentielle.
Rien de précis
En attendant, la jeune création continue de lancer des revues, d’écrire, de dessiner, photographier, aimer, danser, chanter – sans l’aide de robot. La preuve : Rien de précis no 1. Son numéro 0 avait annoncé la couleur et l’esprit : chamarré, dansant, joyeux, battant la campagne, aux champs comme à la ville. Voici donc le numéro 1, sur le thème du jour et de la nuit. Près de cinquante auteurs, autrices, poètes, artistes. Plumes débutantes ou chevronnées. Tout ce monde parle de nuit, de jour, de night, de day et de nouate (Baptiste Fauché). Marianne Rötig (pétulante cheffe d’orchestre) et Ariel Spiegler poétisent, Marin Fouqué donne une autre vision de la nuit dans un texte urbain et puissant… Un feu d’artifice d’images et de mots pour une nouvelle génération qui s’avance en dansant.
François Bordes
RETROUVEZ ICI TOUS LES ÉPISODES