par Catherine Brun
1992, in La Revue des revues no 14
Saluons tout particulièrement la naissance de Genesis, « revue internationale de critique génétique » qui en se voulant non seulement lieu de rassemblement et de synthèses, mais encore d’échanges et de rencontres, permettra de combler un manque devenu au fil des années plus sensible : celui d’une revue qui fasse le point des travaux et des avancées de l’une des démarches d’investigation littéraire et scientifique les plus innovantes de ces dix dernières années.
Publiée sous l’égide de l’ITEM (Institut des Textes et Manuscrits Modernes, CNRS), et donc du groupe de chercheurs qui a su, en désacralisant le Texte comme produit « parfait » et intouchable, le rendre à l’épaisseur de ses advenirs et de ses accidents, épouser les mouvements de la création, et faire saillir la vie de l’écriture, cette revue n’en est pas pour autant excessivement docte ou hermétique. C’est même ce qui frappe immédiatement à sa lecture : cette capacité à rendre clair, à communiquer, à faire circuler non seulement des savoirs et les conclusions de longues recherches, mais encore des réflexions et des interrogations en cours. Il semble que cette revue se veuille aussi peu figée que son objet, comme lui, Work in Progress…
Il ne faudrait pas pour autant croire à une approche dilettante ou impressionniste : chacun des articles est oeuvre de spécialistes, et non des moindres – Almuth Grésillon, Jean-Louis Lebrave, Philippe Lejeune, Raymonde Debray-Genette, Michaël Levinas… – sans que cette rigueur soit jamais pesante. Ce qui nous est communiqué, c’est une intelligence nouvelle des oeuvres, qui permet en outre de dégager de nouveaux outils critiques et de reconsidérer les grands enjeux
théoriques.
« Enjeux », c’est en effet l’intitulé de la première des cinq sections de la revue, qui ambitionne de soulever, quitte à en débattre, quelques unes des grandes questions, théoriques et pratiques, qui se posent aux généticiens – ici, c’est, après une riche présentation de la critique génétique avec ses tenants et ses aboutissants par Almuth Grésillon, la distinction opérée par Jean-Louis Lebrave entre philologie et critique génétique.
Suivent les « Études » sur corpus, qu’il s’agisse d’une catégorie d’oeuvres – dans ce numéro, Philippe Lejeune se penche sur l’étude génétique des textes autobiographiques et sur leurs spécificités génériques, Michaël Lévinas sur la productivité de la rature dans la création musicale – ou d’un fragment d’oeuvre – ainsi Raymonde Debray-Genette propose, avec l’analyse d’un extrait de l’Hérodias de Flaubert, la genèse d’une description.
La section « Enquête » est pour sa part ouverte aux créateurs qui acceptent, comme ici Michel Butor, de s’entretenir de ce que représente pour eux la création, de leurs pratiques, voire de leurs outils d’écriture, de leur rapport à l’écriture manuscrite… Puis ce sont les « inédits » – en l’espèce l’une des douze séries de « souvenirs » de Georges Perec présentée par Philippe Lejeune, avant les « Chroniques » qui prennent pour objet l’actualité du domaine génétique.
La revue se clôt sur une fort indispensable bibliographie qui vient actualiser celle proposée en 1988 par la publication canadienne Texte : à la fois outil de travail et suggestions de lecture, invitations à poursuivre le parcours entamé par les divers intervenants.
Mentionnons enfin les qualités graphiques de mise en page et d’impression tant du texte des articles que des nombreux fac-similé de manuscrits.