95, in La Revue des revues no 20
Si les études sur les revues culturelles, d’idées, de littérature ou d’art occupent une place prépondérante dans les sommaires de La Revue des revues, le domaine particulier, mais extrêmement important, des revues scientifiques proprement dites n’est pas absent, tant s’en faut, de nos préoccupations intellectuelles et éditoriales. Nous leur avons consacré voici quelques années un premier dossier sous l’interrogation, toujours actuelle : « Revues scientifiques, qui fait la loi ? » (no 8, 1989-1990) ainsi que plusieurs articles complémentaires dont une « Enquête sur les nouvelles revues de sciences humaines et sociales (1989-1990) » (no 15, 1993).
Fort heureusement, loin des raccourcis et des simplifications journalistiques, et des indifférences et myopies d’un trop grand nombre de scientifiques sur le sujet, plusieurs chercheurs et groupes de recherche ont pris la mesure du problème. C’est le cas en particulier de ceux réunis dans le LERASS à Toulouse qui ont, depuis plusieurs années, organisé séminaires, colloques et études sur les revues et l’information scientifiques, notamment en science économique (Cf la bibliographie qui conclut l’article de Robert Boure). C’est grâce à eux que nous avons pu rassembler les articles qui composent ce nouveau dossier et qui, nous l’espérons, viendront enrichir une discussion plus que jamais nécessaire et ouverte.
Il n’est pas certain hélas que la communauté scientifique, française en particulier, soit elle-même aussi consciente qu’on pourrait le penser – et le souhaiter – de la nouvelle donne qui s’esquisse avec cette question, souvent dans une grande confusion, ni non plus qu’elle soit capable d’aborder celui-ci sur un autre mode que ceux, opposés mais complices, d’une rhétorique attristée du fatal destin des revues ou de leur béate transfiguration (et sauvetage) technologique. Le débat est en effet bien plus complexe et contradictoire.
Notre question reste donc plus que jamais posée : qui fait – ou va faire – la loi dans ce domaine à l’heure où se multiplient et s’organisent de nouveaux réseaux de communications ? L’article consacré aux revues sur Internet publié dans notre dernier numéro apportait à ce propos quelques éléments de réponse et de réflexion fort stimulants. L’interrogation de toute façon est cruciale : c’est tout bonnement de l’avenir des revues scientifiques, sous la forme que nous leur connaissons, c’est-à-dire avec tous les processus de légitimation et de validation scientifiques dans lesquels elles s’inscrivent, dont il est question. L’enjeu n’est pas mince et de toute façon lourd de conséquences pour le devenir de la communication et de l’édition scientifiques.