par Sophie Cœuré
1996, in La Revue des revues no 21
La première revue entièrement consacrée à l’étude des images a vu le jour à la fin de l’année 1995. Le double projet de L’Image analyser le monde visuel quels que soient ses supports et informer sur les recherches en cours – est bien servi par un format confortable (250 pages à parution semestrielle) et une riche illustration. Chaque numéro comprend un dossier thématique et des rubriques « histoire d’image » (avec des études approfondies d’image ou de document iconographique), « actualité » des livres, revues, CD roms, expositions, colloques du monde entier, enfin « débat » plus théorique autour d’une question.
Le premier numéro et son dossier portant sur « les foules », expose l’ambition des fondateurs avec un article programmatique de Laurent Gervereau. On comprend qu’ils souhaitent éviter de s’enliser dans de longs débats sémantiques tentant de définir les images ou les méthodes d’analyse. L’esprit d’ouverture, la curiosité, la volonté de faire circuler l’information, l’emportent volontairement sur la réflexion théorique autour du problème de la représentation. L’avantage est que nombre d’abstractions préalables sont ainsi évitées au lecteur. On peut aussi penser que le projet et les méthodes, qui se dessinent déjà dans les articles nourris, rigoureux et véritablement interdisciplinaires du no1 de L’Image, se préciseront sans mal dans les prochaines livraisons. La curiosité des auteurs pour l’image sous toutes ses formes – fixe ou mouvante, industrielle ou unique, ancienne ou contemporaine, voire virtuelle – et dans tous ses lieux, de la revue au musée en passant par la collection particulière, crée un pôle commun assez convaincant.
Si le format de L’Image, celui d’une revue de sciences humaines et non d’art, diminue nécessairement la taille des images, elles ne sont pas pour autant de simples illustrations. L’iconographie et son analyse précise font partie intégrante du propos des auteurs, ce qui est assez rare pour être souligné. De même, la volonté d’ouverture internationale ne se cantonne pas comme souvent à une déclaration de principe ou à un comité scientifique, mais est immédiatement mise en pratique dans les articles et les comptes rendus. La bonne volonté des fondateurs va jusqu’à en faire une revue entièrement bilingue : il faut alors regretter la priorité donnée à l’anglais sur le français dans ce premier numéro consacré à crowds / les foules. Le bilinguisme pose aussi un problème de mise en page qui n’est pas réglé de manière très lisible, avec la juxtaposition ou la superposition de deux à quatre colonnes. On peut aussi regretter la typographie erratique des notes ou des titres et l’usage variables des majuscules : l’ensemble des articles semble vouloir obéir à l’adresse Internet de « limage » et se transformer en page d’écran d’ordinateur. Ce sont pêchés véniels cependant pour une revue passionnante et placée sous le patronage prometteur d’Alfred Jarry.