par Sandrine Samson
1996, in La Revue des revues no 22
Portulan est une revue consacrée aux littératures, sociétés et cultures des Caraïbes et des Amériques noires. Pourquoi cette zone géographique parce que les pères de Portulan en sont majoritairement originaires, mais surtout parce que l’étude de cette région permet de comprendre les raisons de l’échec de la décolonisation. Déplorer la situation catastrophique dans laquelle se trouvent la plupart des anciennes colonies ne suffit pas. « Il faut pour expliquer le mécanisme de la névrose obsessionnelle identitaire, tenter de dénouer l’écheveau des contradictions. » La réflexion et surtout les outils nécessaires à celle-ci n’existent pas. La revue veut tenter de palier ce manque.
Les différents textes et études constituant ce numéro concernent principalement la négritude, l’antillanité et la créolité. Dans la démarche entreprise par l’équipe de la revue, l’étude de la revendication identitaire est centrale mais aussi très difficile et délicate, c’est pourquoi elle est regardée du point de vue littéraire, philosophique, psychologique, historique et politique.
Cette étude se réfère aux figures pionnières de la revendication identitaire. Nous trouvons Aimé Césaire en exergue du numéro, avec un extrait des Armes miraculeuses, et régulièrement dans ce numéro comme référence ou objet d’études (deux articles lui sont entièrement consacrés). De même Frantz Fanon est présent dans les articles sur la psychanalyse, même si c’est pour revenir sur certaines de ses affirmations comme l’idée que la psychanalyse n’est pas l’affaire des Antillais. Ces figures marquantes et remarquées s’inscrivent dans l’Histoire, et l’Histoire tient une large place dans cette recherche.
Ce numéro est composé de cinq ensembles. Un ensemble regroupant des «textes et études », un autre présentant des textes des écrivains de la Guadeloupe, de la Martinique et de la République dominicaine, un autre consacré aux « histoires littéraires » qui s’intéresse à Baudelaire au travers de Jeanne Duval, sa maîtresse noire, un autre encore concernant le plasticien Ernest Bremleur, martiniquais et enfin des « notes et notules » présentant des livres de littératures antillaise et guyanaise francophones et créolophones.
L’ensemble « Textes et études » est le plus important. Il s’agit d’un harmonieux mélange de textes où les références historiques dominantes nous permettent de passer de l’histoire du mot créole au dernier des grands rois du Dahomey en passant par l’histoire de Saint Domingue. Ces histoires, c’est l’histoire de la colonisation, de l’affrontement entre noirs et blancs et la naissance d’une nouvelle identité qui pose problème. Où situer la négritude, l’antillanité et la créolité ? Dans cette difficile recherche la psychanalyse et l’anecdotique complètent l’approche historique. La réflexion psychanalytique si utile pour aider à comprendre ce problème identitaire est traitée par Simonne Henry-Valmore et Solange Adelola Falade.
Ce premier numéro ne donne bien évidemment pas de réponse, mais les différents articles font avancer la réflexion. Portulan a « embrassé une cause, débattue à point nommé, témoigné, et, dans la mesure des moyens, pied à pied, résisté aux emportements du préjugé, aux opinions toutes faites, aux idées reçues », qualités reconnues pour une revue dans l’éditorial. Nous souhaitons à Portulan que sa vie ne soit pas trop courte et qu’il puisse avoir un écho plus large que la zone géographique concernée.