par Olivier Cariguel
1997, in La Revue des revues no 24
Un recensement non exhaustif des principales revues littéraires légales sous l’Occupation permet de dresser une typologie de ces revues par type éditorial, puis de considérer leur publication comme un moyen d’insuffler un esprit de résistance de préférence à une résistance au sens strict. Ce catalogue géographique de revues met en valeur les regroupements de rédacteurs en réseaux, non seulement dans les deux zones métropolitaines, mais aussi hors de l’hexagone (Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient, Asie, Amériques, Antilles), lieux de résistance souvent oubliés dans les études sur la vie intellectuelle et littéraire. De ce corpus initial découle une typologie en six catégories selon des critères éditoriaux et non politiques qui se fonderaient sur une division superficielle entre revues collaborationnistes, pétainistes et résistantes revue à ambition institutionnelle, revue à forte imprégnation politique, revue à tendance catholique, revue de jeunes ou d’étudiants, revue régionale ou locale et revue confidentielle à faible tirage. L’histoire des revues littéraires en général a souvent reposé sur la distinction imprécise entre petites et grande revues, sans jamais donner lieu à une analyse affinée des genres éditoriaux. Cet instrument méthodologique permet de mieux cerner la notion de « Résistance littéraire ou intellectuelle » affirmée par ces publications et qui pourrait être incorporée à celle de « Résistance civile » définie par l’historien Jacques Sémelin. À travers la lecture des archives de revues et l’esquisse de leur lectorat qui reste à retracer, l’Occupation symbolise une nouvelle ère de relations entre revues fortes d’un sentiment de solidarité collective à l’intérieur des nouveaux réseaux. En outre, les stratégies des revues pour contourner la censure, trouver un financement et exploiter les failles juridiques des conditions de parution, demeurent autant d’éléments entretenant un esprit de résistance, parfois un « double jeu » caractérisé par un éventail de ruses.
Overview and typology of authorised French literary journals published during the Occupation
By making a non-exhaustive list of the main literary journals, published during the occupation, it is possible to form an editorial typology of them. Then by subsequenty looking at their publication, one can instill into them a « spirit of resistance » rather than a resistance in the strict sense of the word. Geographically listing these journals clearly shows how editors grouped into networks, not only in the two areas in metropolitan France, but also outside French borders (North Africa, the Near and Middle East, Asia, the Americas, the Carri bean), areas often forgotten in studies of intellectual and literary activities at this time. A six-category typology results from this initial body of work, organised according to editorial rather than political criteria, the latter tending to be based on a superficial division between collaborationist, petainist and resistance journals, i.e. journals with an institutional vocation, a heavily political bias, catholic tendencies, student or youth journals, local or regional journals and low circulation confidential journals. History of literary journals in general has often been founded on inaccurate distinctions between small and large journals, without leading to a finer analysis of editorial types. This methodological tool gives a better understanding of the idea of « Intellectual or literary resistance » stated by these publications, an idea which could be incorporated into the notion of « Civil resistance » as defined by historian Jacques Semelin. By reading the journals’archives and sketching a picture of their readers, which remains undefined, one can see how the Occupation symbolises a new period of relations between different journals strengthened by a feeling of collective solidarity within newly established networks. Moreover, the strategies used by these journals to avoid censorship, find financial backing and exploit legal loopholes to continue publishing remain as elements which maintain a spirit of resistance, sometimes a « double strategy » in which a range of tactics are deployed.