par Marie-Paule Chardon
2001, in La Revue des revues no 30
Revue à la belle couverture colorée, L’Autre se préoccupe de « Cliniques, Cultures et Sociétés » et s’affiche « Revue transculturelle ». Dans l’éditorial du premier numéro, Marie-Rose Moro, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Avicenne (93) et directrice de cette revue, fait un « Éloge de l’altérité ». L’autre humain, l’autre culture, l’autre société. Quelque part entre : « la ressemblance n’existe pas en soi : elle n’est qu’un cas particulier de la différence, celui où la différence tend vers zéro » (Lévi-Strauss) et « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition » (Montaigne).
Il s’agit de travailler la clinique à la lumière de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la sociologie mais aussi de la philosophie, du droit, de la littérature, de la poésie… L’Autre se réclame du complémentarisme de Georges Devereux, une méthode selon M.-R. Moro « qui n’évite pas la complexité du singulier et du collectif, de l’inconscient et des appartenances, du même et de l’autre ».
Chaque numéro de cette revue s’organise autour d’un thème : « Nourritures d’enfance, La vie comme récit, Dire sa souffrance… ». Ces dossiers sont intéressants quant aux perspectives plurielles qu’ils offrent : diversité des disciplines, pluralité des points de vue sur une même question (et non uniquement psychopathologique et anthropologique par exemple).
Un entretien avec une personne ayant une expérience et un travail théorique importants (Malaurie, Tomkievicz, Lebovici…) ouvre chacun des numéros. L’importance accordée au parcours de vie personnel, au cheminement singulier de la personne invitée est significative de l’intérêt porté par L’Autre à la question de la subjectivité du chercheur dans le champ des sciences humaines et sociales.
Ainsi à l’instar de G. Devereux, liens entre objectivité et implication du praticienchercheur, place et statut de la subjectivité au sein de la science sont interrogés, Jean Malaurie disant par exemple : « Le vrai laboratoire d’anthropologie sociale est dans la pensée du chercheur qui, au fil de l’enquête, se transforme ». Hummocks (un de ses ouvrages) « est le livre d’un homme en quête d’une vérité, la sienne, tout autant que celle du peuple qui fait l’objet de sa recherche de toute une vie ».
Cette problématique est notamment présente dans un certain nombre d’articles interrogeant les rapports possibles entre anthropologie et clinique, anthropologie et psychanalyse : mise en question et utilisation de la subjectivité pour créer du nouveau dans les méthodes et dans la science anthropologiques.
Implicitement ou explicitement, L’Autre pose les questions suivantes : qu’est-ce que le psychisme ? qu’est-ce que la subjectivité ? qu’est-ce que l’altérité ? Il est intéressant de voir avec quels modèles de pensée, quelles théories du sujet et des fondements anthropologiques de la personne, les auteurs invités à s’exprimer pensent et travaillent : qu’advient-il de l’autre ? devient-il du même ? reste-t-il de l’alter ?…