par Yannick Kéravec
2002, in La Revue des revues no 33
« Bang ! parce que pan ! » : c’est l’explication donnée à la fin de l’éditorial du premier numéro de cette revue consacrée à la bande dessinée, fruit des efforts conjoints de Casterman, éditeur bien connu, et de Beaux Arts magazine qui offre régulièrement des chroniques sur le neuvième art. Deux éditeurs pour un objet élégant, à la quadrichromie très soignée et au sommaire très riche qui fait la part belle aux planches (98 pages sur 144), inédites ou rassemblées pour la première fois.
Les auteurs choisis représentent différents courants graphiques, du Reiser des années Charlie hebdo à Fabrice Neaud, étoile montante répondant ici à une commande illustrant un article sur le reportage dessiné, de Winsor McKay, créateur du célèbre Little Nemo, chroniqué dans la partie Petite histoire de la BD, à Frédéric Boilet pour son travail sur l’image numérique, de Yves Got et Lewis Trondheim à Raymond Pettibon, plus graphiste que bédéiste, ou encore Seth, Thierry Van Hasselt et son dessin (?) à la peinture à l’huile sans plus de phylactères.
Le texte a complètement disparu des huit pages dessinées par François Schuiten dédiées à sa fille, dans un style très différent de ses Cités Obscures, et qui accompagnent un entretien. La revue s’ouvre sur une rubrique présentant des graphistes, Focus, et se ferme sur un cahier critique d’albums publiés et une chronique ici nostalgique rédigée par l’écrivain Vincent Ravalec.
Une revue qui donne à voir plus qu’à lire : les dessinateurs sont privilégiés dans ce numéro, au détriment des scénaristes. Il est vrai que le plaisir de la bande dessinée est d’abord visuel. Si Casterman est bien connu comme le géant de l’édition de bande dessinée, pouvant ici mettre à profit sa culture et ses réseaux (qui résisterait à y être présent ?), Beaux Arts magazine nous a habitués à un décryptage de l’actualité artistique, entre vulgarisation et commentaire savant : cette dimension s’efface dans Bang !.
Les textes accompagnant les planches gagneraient à être développés : présentation des dessinateurs ou auteurs, critique situant l’auteur dans les différents courants, écoles ou influences, bibliographie propre à renseigner bibliophiles, collectionneurs ou simple lecteur. Comme le montrent les comptes rendus en fin de numéro, les contributeurs potentiels de talent ne manqueraient pas.
Que sera le destin de la revue, aujourd’hui que le lectorat de la bande dessinée ne lit plus ou peu de périodiques : catalogue de tendances, outil de réflexion et de recherche sur cet art, ou luxueux objet de collection ? Sans doute les trois à la fois. Aussi n’hésitons pas à apposer la mention : à suivre…