Tra-jectoires

par Alain Paire
2003, in La Revue des revues no 34

Plusieurs étapes sont à présent repérables quant à la réception de l’œuvre de Philippe Jaccottet qui vient de faire l’objet de plusieurs monographies : entre autres, après l’essai d’Hervé Ferrage paru en 2000, les livres d’Isabelle Lebrat, Jean-Luc Steinmetz et Jean-Pierre Martin. À côté d’articles pionniers de première importance – Pierre Leyris en 1958, Jean-Pierre Richard en 1964, Jean Starobinski en 1971, Peter Handke en 1988 –, les revues ont joué un rôle majeur pour une meilleure connaissance de cette poésie.
Depuis Genève, la Revue de Belles-Lettres, à cette époque dirigée par Florian Rodari, avait composé en 1975, pour les 50 ans de Jacccottet, un hommage inauguré par de Nouvelles pochades en prose, un inédit de Francis Ponge. Sud avait à deux reprises (1980 et 1989) rassemblé des poèmes et des études critiques.
Jean-Pierre Vidal qui se charge impeccablement de la bibliographie de Jaccottet avait réuni chez Payot, en 1989, un ensemble de documents, articles, essais et entretiens qui fut complété par la revue Écriture de Lausanne, en 1992. Après quoi, avant que cette œuvre ne figure au programme de l’agrégation, des actes de colloques, des textes émanant du milieu universitaire se sont publiés à Pau, Lille, Montpellier et Rennes, un Cahier du Temps qu’il fait a été édité par Georges Monti en janvier 2001.
À très bon droit, la revue que vient de publier la jeune Association des Conservateurs Littéraires (son fondateur, Amaury Nauroy, est né en 1982) n’a pas été intimidée par la soudaine épaisseur de ces strates pas plus que par la qualité de ces approches critiques. Tra-jectoires s’est préoccupé de frayer sans complexe ni prévention la voie en direction d’une œuvre dont la découverte continue de se faire progressivement. En guise de préface, Amaury Nauroy raconte justement comment une rencontre peut s’opérer, un texte après l’autre, sans qu’intervienne le moindre prescripteur : c’est un premier détour, la lecture d’une traduction d’un poème de Rilke, et puis ensuite la découverte de la correspondance avec Jaccottet ainsi que du recueil de Gustave Roud, publié en collection de poche, qui l’ont incité à mieux mesurer, selon l’expression d’Olivier Barbarant, « le mouvement du vrai » qui innerve cette poésie.
À côté de cette étude de Barbarant qui a le grand mérite de ne pas être inconditionnelle, on lira des poèmes d’Anne Perrier et de Jean-Pierre Lemaire ainsi que des articles signés par Jean Onimus, Philippe Delaveau, Christine Dupouy et Jean-Louis Backès. Deux reproductions en couleur d’aquarelles d’Anne-Marie Jaccottet sont insérées au milieu de la revue.
Le prochain numéro de la revue Tra-jectoires portera sur deux autres poètes : Jean-Pierre Lemaire d’une part (avec un entretien, des textes et poèmes de Guy Goffette, Lorand Gaspar, Pierre-Alain Tâche et Gérard Noiret) et Jules Supervielle, d’autre part.


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