Qu’en faire, au fond, de ce paquet embarrassant d’excès qui a nom Artaud ? Qu’en faire après les batailles ? Les batailles familiales, amicales, idéologiques… Lorsqu’on le lit aujourd’hui, il reste difficile de repartir de zéro. Que d’écrans pour arriver à ce corps sans être, comme le rappelle Olivier Penot-Lacassagne ! L’écran éditorial, les écrans philosophiques, les écrans psychiatriques… On n’y voit plus très clair. Est-ce à dire que le travail souterrain des textes d’Artaud a fini par nous délivrer du jugement et de l’esprit ? Il y a de quoi en douter.
À l’instar de ce fou que Nietzsche imagine venu trop tôt pour annoncer Zarathoustra, brandissant sa lanterne en plein jour, n’est-ce pas encore un peu tôt pour annoncer le Mômo ?
Alain Jugnon entend le faire comparaître dans son ouverture avec Jean-Luc Nancy : pas pour un procès, bien sûr, et pas non plus pour le représenter. Plutôt pour qu’il soit là, en vivant réchappé deux fois de la mort, au milieu de nous, avec nous, sur notre scène.
Le sujet Artaud, comme le nomme Camille Dumoulié, est-il un sujet qui s’adresse à nous ou nous reste-il étranger dans la singularité exceptionnelle de son style ? Bernard Noël nous avertit contre le danger de normalisation de cette chair-verbe.
Il reste donc largement à « libérer » Antonin Artaud pour reprendre l’expression utilisée par Alain Jugnon qui, selon la formule désormais éprouvée des Éditions des Cahiers, réunit des textes de statuts différents, à la fois de l’ordre de la critique et de la création littéraire ou plastique. Après le combat d’Artaud, c’est bien simple, écrit-il encore : « Rien n’est fait. Tout est à faire. »
JD