En janvier 1965, André Breton écrivait à Kenneth White : « Jeudi soir, attablé comme de coutume au fond de ce café des Halles à l’enseigne de La Promenade de Vénus, j’avais, la revue en main, longuement insisté sur le haut accent de nouveauté qui me frappait dans cet “À la lisière du monde” ». La revue en question était Les Lettres Nouvelles, et c’est Maurice Nadeau qui avait insisté auprès de Breton pour que le texte de White figure en tête du numéro. Rien d’étonnant, donc, à ce que la bien nommée revue Lisières consacre sa 27e livraison à l’écrivain écossais.
« Une cosmologie de l’énergie ». C’est ainsi qu’est intitulé ce numéro, regroupant un entretien et un essai de Laurent Brunet, ainsi que des éléments biographiques sur Kenneth White. La couverture est illustrée par une magnifique photographie de la baie de Saint-Efflam dans les Côtes-d’Armor, non loin du domicile de White. L’intérieur de la revue est agrémenté de nombreuses photographies : portraits de l’écrivain en jeune homme arpentant les grèves écossaises et dans les lieux «habités» de l’esprit de son œuvre, photographies de l’atelier, de sa maison des marées, détails de ses manuscrits.
Que les personnes tentées de découvrir le philosophe et poète par ces Lisières ne soient pas rebutées par le titre… Il n’est pas question d’astrophysique ni de théorie des quanta dans cette belle petite revue, mais plutôt de poésie du monde ou de «géopoétique» ainsi que White aime à désigner sa démarche. Celles et ceux qui ont déjà fréquenté les territoires de l’auteur ne trouveront pas de grandes nouveautés, mais des considérations inactuelles, et une confidence concernant la source profonde de son œuvre. White confie en effet que « sur la plan stratégique », il n’a pas mis « toutes ses cartes sur la table », qu’il a « toujours un joker à sa disposition » : le « mat du tarot de Marseille, l’incarnation du Gai Savoir »…
Ce secret bien gardé nous sera-t-il un jour révélé dans une autobiographie du poète cosmographe ? C’est ce qu’il nous laisse entendre dans l’entretien. Un projet autobiographique qui ne serait pas le dévoilement d’une source, mais la mise à jour d’un «amas d’énergie stellaire».
Goulven Le Brech