Où il est montré que des écrivains fameux et leurs œuvres recèlent bien des aspects méconnus et que seul le travail amoureux des sociétés d’auteurs est capable de les faire apparaître: la preuve par Les Cahiers Max Jacob qui dans leur numéro 15/16 (automne 2015) s’attachent à analyser la dilection de Max Jacob pour la culture de masse et ses formes « populaires ». Les guillemets s’imposent car la catégorisation prévient Alexander Dickow, coordinateur du numéro, est une construction fantasmatique formulée par l’élite, nourrie d’oppositions sommaires (raffiné/commercial…), de pesées critiques teintées de condescendance et de méconnaissance.
N’importe, « c’est par l’imitation et la récupération d’un genre populaire, et sous le signe du populaire que Max Jacob commence sa carrière d’écrivain » : la rédaction d’un conte Histoire du roi Kaboul 1er et du marmiton Gauwin suivi en 1904 par Le Géant du soleil – et c’est une pépite que livre la revue ici en intégralité et avec les illustrations d’origine, puisque ce texte n’avait jamais été repris depuis sa première parution en 4 épisodes dans Lectures de la semaine.
Du cinéma alors naissant, primitif dit-on, Jacob sera également un amateur de la première heure : un long article de Nadejda Magnenat débusque les empreintes du cinématographe chez l’auteur du Cornet à dés. Émilien Sernier, de son côté, analyse les jeux complexes que le romancier Max Jacob entretient avec le roman-feuilleton. De l’appétence à l’appropriation, l’œuvre de Max Jacob charrie et transmue les formes humbles, triviales qui, dans leur simplicité, paraissent avoir préservé une grâce. Si ce goût pour les genres et les objets culturels « illégitimes » apparie Max Jacob aux avant-gardes de son temps, en particulier Dada et le surréalisme – les précédant même –, le passage du divin fraie une histoire singulière.
Vincent Dunois