Patchwork n° 9/10

Modeste et riche, ce sont les deux épithètes qui viennent à l’esprit lorsqu’on explore la livraison double 9/10 de la revue Patchwork créée par Anthony Dufraisse. On ajouterait volontiers le mot diversité. Les noms de Denis Grozdanovitch, Amaury da Cunha, Aymen Hacen, Stéphane Beau se succèdent – ils sont seize – dans un ordre qui appartient à la seule direction, laquelle n’est pas diserte sur ce point. On sent que l’on est au cœur d’une revue de lecteur destinée à la lecture, c’est l’essentiel. L’ordre des opérations importe donc peu, et puis une citation de Deleuze et Guattari vient nous éclairer sur le patchwork en question : « collection amorphe de morceaux juxtaposés dont le raccordement peut se faire d’une infinité de manières ». C’est une sorte de réponse à l’épigraphe de Georges Perros, fameux ange gardien posté à l’entrée du numéro : «  Il faudrait créer une revue d’une imprévisible diversité, façon Patchwork. » Le vœu est réalisé, mais la publication est beaucoup moins « amorphe » que l’imaginaient les deux philosophes.

 

 

Une revue généraliste est de fait un patchwork et n’a nul besoin de « thématique au numéro ». Ici on glisse des souvenirs tennistiques de Denis Grozdanovitch aux proses courtes du « Chez nous » de Frédérique Martin. Puis il y a les poèmes de Joseph Danan, Jacques Richard ou Gérard Bocholier, et ceux de Nouri Al-Jarrha échappé de Syrie. Tout au bout du sommaire, il y a aussi un beau texte de Benoît Artige intitulé « Le studio Shéhérazade » qui nous renverrait si l’on n’y prenait guère à l’univers de Naguib Mahfouz. « Sur les terrasses, on en demeure jamais. On y étend le linge, on y a fait sécher les tapis, on y tue deux ou trois fois par an le mouton pour les fêtes, mais on ne s’attarde pas. On pourrait, lors des grandes chaleurs, y goûter l’étalement des premières ombres, s’installer pour la nuit, égrener au luth d’anciennes complaintes, observer les étoiles. Non, sur les terrasses, on y fait que passer. Pourtant, ce matin, accoudée au rebord du toit, Hayat y prend ses aises. Elle observe dans l’aube qui vient, les bleus mêlés de la mer et du ciel se séparer peu à peu. » (C’est la redécouverte par Akram Zaatari des photographies de Hashem el Madani qui a été le déclencheur pour Benoît Artige).

 

Moins dépaysant, Maulpoix évoque Paul Valéry – n’oublions pas de signaler aussi une poignée de lettres inédites de Jean Grenier à Jean Wahl – mais on repart en vadrouille avec Jean Pézennec et son « Carnet de voyage d’un life-trotter » . En dernière page, la rédaction annonce qu’« En 2017, Patchwork prendra de nouvelles formes… » On est curieux de voir ça.

 

Éric Dussert