« Toujours avec Benjamin Péret »

« L’appétit du Merveilleux rebondit toujours » écrivait Pierre Mabille. On pourrait en dire autant de l’œuvre merveilleuse de Benjamin Péret sur laquelle veille fidèlement les Cahiers Benjamin Péret. Nous en avons déjà rendu compte ici-même, inutile de revenir sur la parfaite présentation de la revue, le soin et l’originalité de ses choix éditoriaux comme de son parti pris graphique.

 

La sixième livraison offre un nouveau bouquet baroque aux alentours de l’œuvre de Benjamin Péret. Il s’ouvre par un dossier sur les « chemins de l’exil », ceux de Marseille et de Mexico. Alain Paire et Gérard Roche reviennent sur les heures de la Villa Air-Bel en proposant une chronologie fouillée de cet épisode mémorable. Marseille était alors un refuge, grâce à Jean Ballard des Cahiers du Sud, à Varian Fry, le responsable du Comité américain de secours aux intellectuels ou à la coopérative des Croque-fruits. Hannah Arendt, Walter Benjamin, Victor Brauner, André Breton, René Daumal, Marcel Duchamp, Arthur Kœstler, Siegfried Kracauer, Wifredo Lam, André Masson, Benjamin Péret, Victor Serge, Simone Weil et beaucoup d’autres écrivains, artistes et intellectuels menacés et exilés transitèrent par la ville entre juillet 1940 et mai 1942. Alain Paire évoque, avec la finesse et l’érudition dont il est coutumier, les lieux mythiques de cet exil : le café « Au Brûleur de loups » – expression plus surréaliste encore que le « bois-charbons » de Nadja – et la célèbre coopérative Croque-fruits. Le dossier sur Mexico reproduit une étude de Jean-Louis Bédouin sur Péret au Mexique et différentes contributions dont celle de Karla Segura Pantoja consacrée à la place de la correspondance, cet « art en voie de disparition », entre les exilés de Mexico.

 

 

Un ensemble sur le merveilleux propose, aux côtés de textes de l’ami Jérôme Duwa, de Claude Courtot ou une étude de Gaëlle Quemener sur le merveilleux dans les contes de Péret. On lira aussi un extrait d’un texte de Pierre Mabille – ce surréaliste mineur dont la pensée puissante et originale mériterait d’être réévaluée.

 

Comme à l’accoutumée, découvertes et redécouvertes rythment les pages de ces Cahiers : correspondance Paalen-Péret, études sur Leonora Carrington ou reproduction du dialogue entre Breton et Péret au travers du relevé précis des dédicaces échangées entre 1921 et 1959. Ce dialogue, on le retrouve pleinement dans la correspondance entre les deux amis qui vient de paraître (André Breton et Benjamin Péret, Correspondance (1920-1959), Éd. de Gérard Roche, Gallimard 2017).

 

Présence de Benjamin Péret, donc, présence fidèlement maintenue par ces exemplaires cahiers d’amis, présence renforcée grâce à la parution de la correspondance et d’un magnifique ouvrage sur les arts primitifs et populaires du Brésil publié aux éditions du Sandre. Entre 1955 et 1956, Péret a réalisé trois voyages au Brésil où il part à la rencontre du merveilleux. Il photographie de nombreuses œuvres d’art primitif et populaire en vue d’un livre. Ces photographies retrouvées sont ici pour la première fois réunies ; le volume rêvé par Péret voit ainsi le jour soixante après (Benjamin Péret, Les Arts primitifs et populaires du Brésil, éd. de Jérôme Duwa et Leonor Lourenço de Abreu, les éditions du Sandre, 2017).

 

Il y a cinq ans, le premier numéro des Cahiers Benjamin Péret venait rappeler la présence et l’importance du poète. Aujourd’hui, plus que jamais, Péret est parmi nous, « dans les fossés de l’enfance et de la liberté ».

 

François Bordes