Midi n°48/49

Midi, la multitude. Midi, la fidélité. 50 auteurs et artistes se pressent sous la couverture du dernier numéro de la revue conçue par Françoise Thieck-Champin. Numéro double : 48/49. Et même deux fois double, on le verra.

 

 

Fidélité : le mot est presque faible devant de si nombreux et tendres liens. D’abord, ces vibrants piliers : Colette, Yvonne et René Allendy dont tant de numéros de Midi épèlent, à force de documents et de textes repris ou inédits, les talents, l’aura, la chère et inépuisable mémoire. Et puis cette petite foule d’auteurs et d’artistes qui vous donnent rendez-vous au fil de nombreuses livraisons de la revue : Claude Courtot, Gilles de Obaldia, Jérôme Duwa, Olivier Perrot, Sylvie Dattas, Marie-Noëlle de la Poype (présente dans 11 numéros) ou Janine Salesse (13 numéros), tant d’autres… Une tribu, une famille, une communauté rassemblée par la « cœur innombrable » de Françoise Thieck. Communauté qui ne cesse d’ensemencer et de vivifier la mémoire en mouvement de Midi. Au cœur de cette mémoire – « avant que disparaisse » – paraît Alain Jouffroy mort il y a juste deux ans. La revue lui consacre un bel ensemble où l’on retrouve ses activités de critique d’art et de poète : les deux s’enlaçant autour du peintre et ami Olivier Le Bars dont une œuvre ponctue la séquence Jouffroy. Un hommage au peintre Xavier Valls prend superbement la suite.

 

Bien malin qui saurait épingler avec justesse l’art et la littérature qu’embrasse Midi : ses portes et ses fenêtres sont largement ouvertes aux formes les plus diverses. Abstraites ou pas, les œuvres données à voir. Qu’il y a-t-il de commun entre la suite de poèmes de Patrice de La Tour du Pin (encore un effort de mémoire) qui ouvre le numéro et Jean-Dominique Rey qui achemine la revue vers sa fin ? Une teinte surréaliste ici, un exercice spirituel ailleurs, des pulsations textuelles (Elie Delamare-Deboutteville), déroulé classique, poésie lyrique, fugues savantes et fantasques (Bernard Baillaud) ou formes expérimentales (belle suite visuelle de Xavier D. de Casabianca). La revue choisit la diaprure contre les serrures. Le monochrome l’ennuie : elle compose une déambulation dans une multiplicité de teintes et de tempos. Au lecteur de choisir ses respirations.

 

Doublement double, disais-je : c’est que la revue se double d’un supplément bio-bibliographique impressionnant (128 pages !). Rien cependant de la sécheresse d’une entrée de dictionnaire même si la sagacité de Bernard Champin établit des notices savantes et scrupuleuses sur bien des auteurs et même des revues (L’Époque, Présence) : notices fort utiles au présent et précieuses pour demain. Mieux encore ce petit livret est un supplément d’être car ce sont souvent les auteurs eux-mêmes qui signent leur notice : catalogue raisonné de leurs œuvres, fine bibliographie, esquisse d’une vie…Racines et ramures, tous ces textes – souvent accompagnés eux-mêmes de « suppléments »… –offrent de nouveaux plaisirs de lecture, tour à tour malicieux, tendres ou émouvants (Xavier D. de Casabianca, Geneviève Gossot, Mina Lobata).

 

Ce dernier nom appelle celui de Max de Carvalho qui donne à Midi un poème splendide qu’on voudrait citer tout entier : « Mon nom est légion ».

 

Midi : son autre nom est légion.

 

André Chabin