La revue Approches consacre à la question centrale des frontières l’épais dossier de son 159e numéro (septembre 2014). Le thème est difficile à traiter dans son ensemble tant le champ est vaste, le mot polysémique, l’histoire de ses représentations infinies. L’hétérogénéité du sommaire montre bien cette complexité. Ainsi passe-t-on d’un ensemble sur Debussy, Ravel et la « Ligue nationale pour la défense de la musique française » à Trajan (Donatien Grau), l’Europe (Michel Foucher) et le rôle des « effets de seuil » de l’estomac (Jean-Daniel Lalau). Le maître d’ouvrage, Guy Samama, souligne l’importance de l’espace « entre », « une ligne de partage où nous nous construisons, mais où nous nous défaisons aussi au gré d’infléchissements de notre identité historique, linguistique, politique, culturelle ». Olivier Got propose une brève histoire du mot frontière tandis que Jean-Yves Tadié évoque le souvenir de ses frontières personnelles : la première, celle de la ligne de démarcation, en 1942, à la gare de Moulins. François Hartog propose de son côté une réflexion sur le fonctionnement de couples d’opposition permettant de s’affirmer de se définir, depuis l’opposition Grecs/Barbares, en passant par Grecs/Romains, Païens/Chrétiens et Antiques/Modernes. « Redoutables et efficaces guides pour l’action », ces couples antonymes ont joué un rôle « configurant »pour les sociétés et les cultures. Cependant, ces délimitations ne demeurent jamais stables et se caractérisent au contraire par leurs reconfigurations perpétuelles. « Asymétriques, antagonistes et inséparables », ces couples sont dynamiques et ne sont nullement statiques et figés.
La rubrique « Agora » propose enfin une suite de critiques sur l’actualité artistique (Laurence Bertrand Dorléac sur l’exposition Les Malheurs de la guerre ou Philippe Reliquet sur Duchamp), littéraire (Brice de Villers sur le dernier livre d’Olivia Rosenthal) et cinématographique (Guy Magen sur l’inoubliable Winter Sleep).
François Bordes