« Une table à midi. Sur une assiette, des fruits, des abricots, des pêches de vigne.» Ainsi commence l’un des deux textes que Françoise Thieck-Champin donne à sa revue Midi. Chatoiements des couleurs, sensualité des peaux, douceur des pulpes: tout est là. Simple et profus, le banquet de Midi peut s’ouvrir. On craint, un instant, que la foule des invités ne puisse tenir en ces 87 pages : mais chacun observera la règle, une seule apparition. En déambulant parmi les poètes et les peintres accueillis en ce midi nouveau, on reconnaît de nombreuses silhouettes familières (Olivier de Magny, Yves de Bayser, André Berne Jouffroy, Jean-José Marchand, Sandra Kays, Isabelle Anselot, Arthur Bidegain…), des visages amis (Jérôme Duwa, Julien Derôme et Michela Orio -en partance de Borborygmes –, Guillaume Louet, Olivier Perrot), on croise des nouveaux venus (François Trémolières, Maria Fonzino…), nouveaux même si leur teint s’est voilé avec le temps (Alladine Lacroix, Xavier Valls ou bien Banine – dont une correspondance avec Armand Petitjean est donnée). L’hôte des lieux n’aime rien que la fidélité tendre, l’entêtement bienveillant à l’égard des artistes dont les années ont désappris le nom : temps retrouvé, temps réparé.
Un banquet oui, mais avec les parures d’un salon: entre les lettres de Pierre Jean-Jouve et celles de Guy Dumur – autre figure de ce temps retrouvé – qui ouvrent le volume se dessine la silhouette de Suzanne Tézenas dont le salon fut le plus fameux de l’après-guerre. Plus qu’une parfaite maîtresse de maison, elle joua un rôle actif dans la vie culturelle, en particulier musicale, des années 50 et 60. Une offrande musicale de Pierre Boulez marqua, en 1991, les obsèques de Suzanne Tézenas «dernier symbole d’une civilisation qu’on ne connaîtra plus que par les livres» (Guy Dumur). Par une revue surtout, Midi, qui lui est dédiée.