Cinq ans passés, à recevoir des nouvelles, des publications de livres, de revues parfois. Et Bouclard publie son cinquième numéro et nous annonce que c’est le dernier !
Nous avions chroniqué le premier numéro, riche de promesses, emplis de fantômes (souvenir de l’Institut Métapsychique International, à Paris, photographié par Emmanuelle Corne). Et si le rythme ne fut pas effréné, Bouclard nous a gratifié de ses créations régulièrement : la revue contribuait à la mise en place d’une maison d’édition, qui publiera si j’ai bien compté son douzième volume en septembre 2023 (N’ajouter rien, de Fabrice Chillet : est-ce un titre conclusif ?).
Pourtant, la revue a réussi à emporter l’adhésion de financeurs, soutenue depuis ses débuts par le Cnl et la Région Pays de la Loire. Pourtant la revue a réussi à installer une forme reconnaissable, une qualité graphique (avec une typographie exclusive, discrètement originale), une pagination stable (64 pages) et un ton faussement naïf des illustrations de couverture : c’est une bibliothèque qui coule, pour ce cinquième opus.
Alors, n’était-ce qu’un cheval de Troie, banc d’essai annuel pour arriver à une maison d’édition dorénavant bien amorcée, à agréger des auteurs ?
Le Sommaire, rien que lui, contient déjà des germes crépusculaires. Trois articles entrecoupés de la légèreté (quoique hors saison) de deux pages illustrées (« Collection Automne/hiver » ; « Liste non exhaustive de prix littéraires désirables et méconnus ») ou quatre (« Le Chat et Viscontine » de Rim Battal, illustré de Quentin Faucompré).
Nous lisons dans l’ordre « Dernier livre avant la fin du monde » de Timothée Demeillers, accompagné de photographies de Julie Hascoët, qui explore les aménagements des survivalistes, en posant la question des réserves, des nourritures spirituelles : y aura-t-il des livres dans le refuge ? Puis « Au pilon ! » où Cyril Gay constate la surabondance de la production éditoriale (et termine par la fin du monde : cohérence !), enfin « Postambules et colophon », variation sur une autre fin annoncée, celle de l’écriture, de la création, dévorée par les intelligences artificielles : les illustrations sont, elles aussi ,produites par l’IA Midjourney, suscitées par l’auteur.
Crépusculaire, cette dernière livraison ? Oui, mais pas désespérée. L’appel à contributions reste d’actualité, à en croire l’ours. Et puis, la facétieuse astérisque de l’édito nous mène à la précision suivante : « Il s’agit de l’ultime numéro de la revue, mais comme Michel Sardou, nous revendiquons le droit de revenir une fois voire deux… »
Yannick Kéravec