Dépli n° 1 : lisons les lisières

Sait-on que la racine latine du mot « expliquer » renvoie à l’action de déplier ? Expliquer, donc, mais aussi explorer un thème – celui de la ville et plus particulièrement ici des lisières urbaines –, telle est l’entrée en matière de DÉPLI, où textes (fiction, poésie) et images (photos, plans stylisés et légendés) sont à découvrir au fur et à mesure de différentes manipulations. À l’origine de cet « objet de rencontres », comme elles disent, on trouve Lauriane Vatin et Lou Herrmann, un tandem lyonnais autour duquel se sont réunis la poète Samantha Barendson, le photographe Karim Kal et les paysagistes Axelle Grégoire et Bertrand Vignal. Manipulations, disions-nous : au départ, en effet, nous avons en mains un carré de 21 par 21 cm.

 

 

Lecture faisant, il ne cessera d’évoluer comme un oiseau jouant de ses ailes. On l’ouvre en suivant scrupuleusement le mode d’emploi, et son savant pliage nous dévoile progressivement son contenu pluriel, tout en imaginaires et cartographies. On circule aisément dans cet ensemble où il est question du quotidien urbain sur fond d’aménagement du territoire. Alors que la ville apparaît peut-être à l’observateur inattentif comme un tout indistinct, ce premier numéro nous rappelle que les lisières représentent un entre-deux, un espace irrésolu, un drôle de « continuum » où viennent s’inscrire des frontières plus ou moins visibles, des lignes de démarcation, où se font jour « des perméabilités ». Ces marges urbaines sont souvent des marches vers quelque chose qui attire ou au contraire qui effraie. Des zones-tampon ou sous tension, c’est selon, qui sont toujours singulières. Pour glisser vers le « hors-ville », d’abord il faudra passer par la ville en ses « bords », bordures souvent sans dorures, pourtours aux flous contours. L’incertitude du statut des lisières, leur inscription flottante dans le paysage pose la question de l’interface au sein du tissu urbain et de l’au-delà des limites. Toujours sur ce même thème générique de la ville, on attend maintenant avec impatience et curiosité la parution des numéros suivants qui, est-il annoncé, déclineront deux autres volets : le chantier et la nuit.

 

Anthony Dufraisse