Dissonances n° 30 : Que du bonheur !

 

« Je ne veux pas mourir, ce n’est pas ma future épitaphe, je ne veux réellement pas. » : ce sont les derniers mots d’Emmanuel Pagano dans l’entretien – « dissection » – qu’elle donne au numéro 30 de Dissonances. C’est cependant un squelette bras levés, glorieux – un oxymore d’os – qui l’accueille en couverture de cette livraison où claquent les mots « Que du bonheur ! » Plus de 25 contributeurs (Jean-Christophe Belleveaux, Daniel Cabanis, Marianne Desroziers, Jacques Sicard, Anna Tot…) serrés en moins de 50 pages : à croire que le bonheur a le souffle court, à moins que comme l’écrit Christophe Esnault, l’un des animateurs de la revue « on ne peut écrire un texte valable sur le bonheur. Une phrase, un aphorisme, un fragment, oui, mais rien au-delà ». La revue propose donc une marqueterie de textes courts, du poème au récit, qui n’excèdent pas 2 pages et parfois se suffisent de quelques lignes. Peu de textes de célébration, de chants du simple bonheur d’être. Dans bien des propositions, le bonheur est blessé, ourlé d’absence : côté pile, la mort rôde. Du coup, « Que du bonheur ! » se mue en l’antiphrase exclamative saluant les emmerdes quand elles arrivent en escadrille. Une escadrille de zobs drolatiques (plus que des sexes en gloire) ouvre le portfolio consacré à Benoît Bedrossian au crayon puissant et provocateur. Dissonances, une revue alerte où il fait bon picorer, où grappiller des petits bonheurs de lecture – ou parfois moins : c’est le risque et le charme d’une revue largement ouverte et curieuse de plumes nouvelles. En bonus, on lira le texte d’un photographe des villes, Alban Lecuyer, sur un photographe des chairs mais également de la ville de Marseille (« innommable ») Antoine d’Agata : là, pas de bonheur mais assurément des « Désordres » qui seront au menu du prochain numéro de Dissonances.

 

Vincent Dunois