La Méditerranée a son mook, il se nomme Gibraltar. Détail remarquable, il est publié à Toulouse, ville occitane où les revues sont plutôt rares en comparaison de Marseille l’activiste. C’est que le projet de Gibraltar est porté par un ardent et dynamique rédacteur en chef qui s’occupe d’à peu près tout : Santiago Mendieta. Samedi 19 avril, à la librairie Ombres blanches, cet îlot paradisiaque, il présentait la dernière livraison de sa revue en compagnie de deux auteurs. Gibraltar se propose d’être « un pont entre deux mondes » en offrant récits, reportages, BD et photoreportages consacrés à la Méditerranée. La forme ne surprendra pas les habitués des mooks, elle correspond parfaitement au produit attendu. Les contributions sont résolument tournées vers la critique du monde méditerranéen tel qu’il ne va pas. Il s’agit bien de poser des problèmes, de montrer les failles, de relayer les résistances – comme ce récit sur la révolte de la place Taksim et son pianiste ou la lutte des journaliers et syndicalistes de Somonte en Andalousie. Le romancier Francis Pornon raconte un périple en Tunisie où, trois ans après la révolution, il a suivi une association menant des ateliers de philosophie. Le photoreportage de Frédéric Lancelo témoigne de la vie rude et difficile de pêcheurs sétois à bord d’un chalutier. Qu’il évoque l’inexorable montée des eaux à Venise (reportage de Pascal Alquier) ou la condamnation des Tunisiens Jabeur Mejri et Ghazi Béji à 7 ans et demi de prison pour avoir critiqué le Coran (BD de Sofiya Voznaya et Thibaut Cavaillès), ce riche numéro de Gibraltar offre une image contrastée et saisissante des réalités et des rêves méditerranéens.
François Bordes