Le Magasin du XIXe siècle, n° 2

Pourquoi va-t-on au Magasin sinon acheter des choses. Les choses constituent le thème de cette deuxième livraison (après les femmes.) Après les femmes, les choses… hum, hum…

 

Siècle des choses, amorce des fabrications en grande série, début de l’ère de la consommation, déploiement des grands magasins, prégnance de la description minutieuse des objets dans la littérature du XIXe : qui ne se souvient, exaspéré ou ravi de la description de la pension Vauquer chez Balzac ? Tentative d’épuisement d’un lieu. En tout cas je ne l’épuiserai pas cette revue qui explore sous de multiples entrées la part des choses dans la culture du XIXe dans la littérature, dans la poésie, dans la peinture mais aussi en tant que fait social du bibelot à l’objet comme signe de distinction en passant par le bric à brac.

 

 

Suivre les choses c’est emporter tout ce XIXe qu’on a dit un peu rapidement siècle matérialiste, siècle de l’accumulation, certes, mais aussi celui de l’aboli bibelot d’inanité sonore. Épuisement disais-je : « un parapluie en mauvais état/4 petits miroirs encadrés/deux cannes en mauvais état/une boîte aux lettres en palissandre/une table carrée en bois blanc peint/…… une poire à poudre en cuivre/une seringue en étain/ une carte géographique de l’Empire français collée sur toile/5 gobelets en verre/une carafe » Ainsi s’achève l’inventaire minutieux réalisé le 25 avril 1842 des objets appartenant à un homme mort le 22 mars : un certain Henry Beyle.

 

Cet article sur la mort de Stendhal fait sentir l’absence de tout poids universitaire dans l’allant de la rédaction. La science au service de la lecture et pas l’inverse : l’un des charmes de cette revue qui en recèle bien d’autres hors dossier – car comme tout grand magasin elle a plusieurs éventaires : elle piste à travers différentes rubriques comment le XIXe siècle est présent dans notre actualité culturelle – expositions, musique, études littéraires, etc.

 

D’autres rayons encore dans ce grand magasin : la reconstitution d’une journée particulière , en l’occurrence le 6 mai 1846,  ou encore une importante rubrique archives, ici le XIXe siècle intime où l’on rencontre Philippe Lejeune le spécialiste du journal intime. Dans chaque numéro un contemporain est interrogé sur ses rapports au XIXe, après Houellebecq dans le premier numéro, c’est au tour de Denis Podalydès.

 

Objets inanimés avez-vous donc une âme disait le lointain Alphonse ? Avec ce Magasin, le XIXe fait miroiter la sienne et mieux c’est d’un corps aimable qu’il le dote.

 

Au bonheur des dames écrivait Émile, au bonheur des lecteurs peut-on assurer.

 

André Chabin